Appel à la fraternité universelle et à la justice
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Pas de cadavre, que des linges pliés
Le jour de Pâques, de grand matin, les saintes femmes, Marie-Madeleine en tête, accourent au tombeau, encombrées de vases d’aromates, précise Michel Serres. Pourquoi porter ces parfums ? Que viennent-elles faire ? Pour garder dans la mort celui qui a été mis au tombeau ou plutôt pour embellir le corps, l’embaumer, en vue de la résurrection, l’événement que les Egyptiens nommaient la sortie dans le jour de l’immortalité ? Arrivées au tombeau, elles trouvent un sépulcre visité ‒ la pierre roulée ‒ mais vide ; pas de cadavre pour embaumer, pas de corps mort à momifier. Mais, elles ressortent du tombeau avec un message de vie : « Vous cherchez Jésus de Nazareth, le crucifié : Il est ressuscité (…) Allez dire à ses disciples et à Pierre : il vous précède en Galilée ; c’est là que vous le verrez… » (Marc, 14, 5-8).
« Moment unique, clame Michel Serres, où la sortie dans la lumière du jour, où l’entrée en gloire après la mort ont lieu sans préparatif, sans pratique ni parfum, sans voiles ni bandes, sans appareil, sans travail, sans technique ni connaissance. Oubliez le corps mort, tournez vos activités vers d’autres objets que le cadavre, libérez-vous de la mort »
« Libérez-vous de la mort ». Pour voir le Ressuscité, Marie-Madeleine a dû, selon l’Evangile de Jean (20,14), se retourner, c’est-à-dire, tourner le dos au tombeau pour voir le Ressuscité. Car ce dernier ne se trouve plus dans l’espace de la mort. Il est dehors sur la route des vivants, sur le chemin de chacune de nos vies. La fin ne gît plus devant moi, devant nous, mais derrière moi, derrière nous : laissons les morts enterrer les morts. Voilà, dit Michel Serre, une première signification, historique et toute humaine, de la Résurrection.
« O mort, où est ta victoire ! »
Et voici la seconde. Dans la fidélité au texte évangélique, Michel Serres affirme que la victoire du crucifié n’est pas une victoire sur ses adversaires mais une victoire sur la mort elle-même. « Pour la première fois de l’histoire, la victime ne vainc pas le vainqueur, à son tour, par vengeance ; mais, par un retournement inouï, tire sa victoire de la mort elle-même, où toujours les rivaux espèrent précipiter leur adversaire. Nul n’a jamais dit ni lu que le Ressuscité triomphait de Pilate ni de quelque traître, ni de quelque tribunal, de sorte qu’à son tour nul ne saurait tirer vengeance de ceux qui ont condamné Jésus. Le tour de bête vainqueur-vaincu s’arrête, la mort elle-même se retire. Fin de la vieille, de l’abominable histoire.»
En outre, il pardonne, insiste Michel Serres :
« Non seulement l’Innocent innocente les anciens boucs émissaires, mais il pardonne aussi à ses accusateurs. La victoire ne se gagne plus sur la précédente défaite, comme une revanche, sur des adversaires, comme une vengeance, mais sur cette chose immonde, la mort. Rien sur les hommes, tout sur la mort. Pas de vendetta indéfinie : prescription immédiate sur le crime et sur le châtiment. Point final. »
Le renversement des valeurs ici annoncé est radical. C’est le triomphe de la vie sur la mort ; c’est le triomphe des forces de vie sur les fortes de mort. Dès lors, célébrer Pâques ne se réduit pas à la congratulation collective de ceux et celles qui célèbrent une victoire quelconque. C’est un appel à entrer dans cette subversion des valeurs de ce que l’l’Evangile appelle « le monde » : rivalité, jalousie, mépris, humiliation, rejet, recherche de la première place en écartant les autres de son chemin, être le plus puissant et accéder à la gloire. Pâques est donc un appel à sortir de nos rivalités, chamailleries, disputes et violences pour entrer dans un monde tourné vers les autres, ouvert aux autres, pour apporter la vie où il y avait la mort.
Appel à la fraternité universelle et à la justice
À cette vie nouvelle dans la ligne de l’Évangile du lavement des piedset des Béatitudes, à cet appel pour un monde de justice, de solidarité, de fraternité, de compassion et de paix, nous préférons, déclare Michel Serres, toujours le vieux règne répétitif de la comparaison, de la hiérarchie, de la puissance et de la gloire, c’est-à-dire de la mort. Nous ne voulons pas ressusciter. Nous ne croyons pas à la Résurrection, alors que ressusciter veut dire : se délivrer de ces rivalités, sortir de la vieille histoire, d’une société construite sur la mort. »
Échec ou réussite de ce message de vie ? Cela dépend de nous, dit encore Michel Serres. Innocent, le Messie annonce la Nouvelle la plus décisive pour notre hominisation. L’entendons-nous ? La crise sanitaire effrayante que nous vivons et qui met en déroute nos certitudes, tout en révélant les nombreuses injustices et défaillances mortelles de nos sociétés peut nous aider à mieux entendre le message de Pâques. Mais sans attendre, un peu partout dans le monde, des hommes et des femmes œuvrent pour que le monde du samedi saint ne soit pas le mot de la fin, le dernier mot de l’histoire ; pour faire entendre l’incroyable Nouvelle : Il est ressuscité et Il nous précède sur les routes du monde pour nous aider à faire tomber les chaînes et ouvrir les tombeaux. Partout où les hommes et les femmes sont rendu-e-s à leur dignité de vivant-e-s, la paix conquise sur la guerre, la vie sur la mort, C’est Pâques, c’est la nouveauté de la résurrection. Joyeuses fêtes de Pâques
Source : https://www.zinfos974.com/Appel-a-la-fraternite-universelle-et-a-la-justice_a167849.html
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