Candide et désamour au théâtre
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Deux pièces de très bon niveau d’interprétation se disputaient l’affiche d’Hippocampus ce vendredi soir à Tsararano : Candide l’Africain et Quartett. Le public est venu nombreux.
Il faut se rappeler que son Candide, Voltaire l’avait sous titré « ou l’optimiste » pour résumer l’ensemble de la pièce. « Candide l’Africain » de la compagnie Marbayassa est l’adaptation de morceaux choisis du texte original en transposant son héros soit disant crédule en Afrique de l’Ouest et en Espagne.
Candide est un fervent admirateur de Pangloss, philosophe résolument optimiste, « tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes », fortement ridiculisé donc. Il aimera énormément Cunégonde, enfin sa beauté, sera chassé à cause d’elle de la cour de sa majesté Toukguili de Gongonbiligongoni, voyagera beaucoup, vivra la guerre et ses violences.
Ce conte philosophique est restitué dans un rythme effréné, très africain, qui emmène le spectateur sur les chemins de la réflexion par le rire. Le comique de répétition n’est jamais lourd et les percus font de la dentelle au dessus de la scène. Et c’est du Voltaire dans le texte…
Les très nombreux spectateurs qui ont rempli le bout d’amphithéâtre du lycée de Tsararano ce vendredi soir ne s’y sont pas trompés, c’était une pièce à ne pas rater. Elle a été découverte au festival off d’Avignon.
La troupe Marbayassa existe depuis 1995, créée par un metteur en scène Hubert Kagambega, aujourd’hui décédé. Guy Giroud décide alors de reprendre le flambeau en adaptant Candide où les acteurs Justin Ouidiga (Candide), Haoua Sangare (Cunegonde), Jule Gouba et Léon Zongo, le narrateur Wilfried Ouedraogo et le musicien Drissa Dembélé donne la pleine mesure de leurs talents sportif et théâtral.
Ils vont d’ailleurs proposer une nouvelle pièce au Festival off 2014 : « nous jouerons Baâda, le Malade Imaginaire à 18h15 au théâtre Célimène à Avignon. Baâda qui veut dire malade en mooré, une des langues du Burkina Fasso ».
Liaisons mal-heureuses
Tant qu’à passer une soirée culturelle, l’association Hippocampus de Véronique Méloche proposait une seconde pièce. Si la première incitait à la réflexion par la légèreté, la seconde est à l’opposé. Ce sont deux torturés de l’amour qui vont s’ « affrontaimer ». dans leurs échanges évocateur d’une liaison passée, « Chaque mot ouvre une blessure, chaque sourire dévoile une canine »
Et pour ce je t’aime moi non plus, l’auteur de ce Quartett, Heiner Müller, plonge les deux personnages, présentés comme épaves sur un quai de gare, dans la fiction de deux aristocrates, déclinaisons des Liaisons dangereuses de Laclos.
Ils deviennent donc vicomte et marquise, Valmont et Merteuil, un quartett qui ne parvient à l’amour physique qu’au travers de plaisirs solitaires, et à dévoiler leurs sentiments qu’en échangeant les rôles. « J’ai fait installer des miroirs pour que vous puissiez mourir au pluriel »… la tirade de Merteuil à la fin de la pièce résume la complexité de ces deux êtres qui ne s’en sortiront pas ensemble.
Deux jeux d’acteur magnifiques, en particulier Merteuil, proposés par la compagnie réunionnaise Alpaca rose.
Deux pièces longuement applaudies, une soirée de théâtre comme on n’en connaît peu à Mayotte, proposée par Hippocampus. Rendez vous l’année prochaine avec Baâda ?
Anne Perzo-Lafond
Le Journal de Mayotte
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