Carnet de voyage – 1816 : où est le trésor de James Hines ?
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Ne cherchez pas des biographies du dénommé James Hines, vous aurez du mal à en trouver tant le personnage a eu un rôle tout à fait secondaire dans l’histoire de l’Océanie. Et pourtant, cet obscur marin est le pivot de l’une des plus intéressantes histoires de trésor concernant le Pacifique Sud, car pour une fois, des détails, il en a laissé derrière lui, suffisamment pour que le trésor de Hines ne soit pas qu’une simple vue de l’esprit.
Mais plantons d’abord le décor, à savoir Palmyra Island, petit atoll situé au nord de l’Etat du Kiribati (anciennes îles Gilbert et Ellice) et au sud-ouest de l’archipel hawaiien.
Le 14 juin 1900, les Etats-Unis annexèrent cet anneau de corail ne présentant pas le moindre intérêt sinon stratégique. L’île a un statut très particulier, unique dans l’ensemble américain puisqu’elle est officiellement désignée comme un « unorganized incorporated territory », comprenez une île déserte revendiquée par Washington. Inhospitalier, l’atoll est donc inhabité, sauf lorsque des missions le prennent pour cadre, employés du gouvernement et scientifiques, l’île corallienne relevant dans son administration du « Nature Conservatory » américain. Chance à elle, par rapport à une autre île plus au nord, l’atoll de Jonhsnton, Palmyra Island n’a pas été transformée en poubelle à déchets, à vieilles munitions, à armes chimiques. Le milieu naturel est donc préservé de la folie et de la saleté crasse des hommes.
N’ayant jamais été habité ni mis en exploitation, la végétation de l’atoll n’ pas été rasée au profit de ces cocoteraies qui ont défiguré tant d’archipels, à commencer par celui des Tuamotu dont la flore originelle est devenue squelettique. Sur Palmyra, il y a certes nombre de cocotiers, mais aussi de grands Pisonia grandis, arbres plus hauts, permettant la nidification des oiseaux de mer, tandis que le reste de la flore habituelle (miki miki, faux tabac, etc.) s’y trouve dans son état naturel.
Faute de résidents, il n’y a aucune forme d’autorité sur Palmyra, et d’ailleurs, le Congrès des Etats-Unis ne s’est jamais penché sur la question ; en quelque sorte un « no man’s land US », même si le gouvernement de Hawaii peut mettre son nez dans les affaires de l’atoll, via le « United States District Court for the District of Hawaii ». Un détail qui a son importance pour ceux qui décideraient, après lecture de notre histoire, de se lancer dans la recherche de son fabuleux trésor. D’ailleurs, dans les temps anciens, l’atoll, qui se trouve sur la route Samoa-Hawaii, relevait de l’autorité du royaume de Hawaii.
Palmyra a été découverte en 1798 par le capitaine Fanning, à bord du Betsey, alors qu’il traversait le Pacifique depuis l’Amérique du Sud jusqu’en Chine. Le Betsey avait été massacrer environ cent mille otaries dans l’archipel de Juan Fernandez et comptait vendre les fourrures de ces animaux à Canton ou Macao. Un doute subsiste d’ailleurs quant à cette découverte, puisque le capitaine du Betsey assure que le bateau n’est parvenu qu’en vue du Kingman Reff, situé à plus de cinquante kilomètres de Palmyra et que de ce fait, Fanning n’a pas pu voir, donc découvrir, cette île.
Qu’importe la querelle, puisque nous concernant, le second navire à parvenir à l’atoll nous intéresse un peu plus : le USS Palmyra, commandé par Cornélius Sowle, y vautra son étrave sur le récif de corail et coula, donnant son nom à notre île dont les entrailles ne contiennent alors toujours pas un gramme d’or… Au moins cette terre hérita-t-elle d’un nom officiel qu’elle n’a jamais perdu depuis.
Pizarro l’odieux conquistador, dévastateur du Pérou et destructeur de la culture inca, était parvenu à prendre la capitale Cuzco en 1533. Autant dire que les richesses des Incas avaient eu le temps d’être pillées depuis près de trois siècles. Mais malgré tout, le Nouveau Monde renfermait encore bien des trésors, et la fabuleuse mine d’argent de Potosi continuait à fournir ses précieux lingots.
Si c’est l’or dont l’Espagne avait le plus besoin, elle commerçait alors avec l’Asie pour y échanger de l’argent contre de l’or, l’argent étant très apprécié en Asie. Il est donc possible que de nombreux lingots d’argent aient été stockés dans les cales de l’Esperanza, avec l’or que les Espagnols parvenaient encore à extraire du pays.
Fait important, à l’époque, troublée s’il en est, Madrid souhaitait rapatrier le plus de valeurs possibles de Lima, car les mouvements indépendantistes gagnaient en puissance : les premiers affrontements armés entre indépendantistes et troupes espagnoles commencèrent le 20 juin 1811 -bataille de Guaqui- avant d’autres affrontements en 1813 à Tacna. Le Pérou deviendra indépendant en 1821 (mais la guerre avec l’Espagne durera quatre années, de 1820 à 1824). Dans ce contexte conflictuel, on comprend que Madrid tenait à mettre à l’abri tout l’or que la vice-royauté avait accumulé à Lima.
La bataille ayant été rude, les morts nombreux, les pirates décidèrent d’incorporer à leur équipage les survivants de l’Esperanza. Simple marin, qui plus est d’origine anglaise, James Hines fut accueilli à bord tandis que coulait l’Esperanza. Fin du premier acte, le trésor, toujours à flot, avait changé de mains.
La traversée fut longue, la météo capricieuse, les quatre-vingt dix hommes fatigués. Six semaines après leur coup de main, aux alentours du 17 février 1816, leur navire fut pris dans une forte tempête tropicale au niveau de l’équateur ; il perdit sa route et finit par heurter un récif du petit atoll de Palmyra, sans couler toutefois, mais son mât principal était brisé. La situation était critique, le bateau ne pouvait pas être réparé, mais du moins pouvait-il être vidé de sa précieuse cargaison.
A terre, les avis étaient partagés ; tout le monde voulait sa part, sachant que presque tous souhaitaient repartir en construisant une nouvelle embarcation avec les restes de leur navire, alors que d’autres désiraient rester et être secourus (en capturant l’équipage qui leur viendrait en aide).
Finalement, tous tombèrent d’accord sur une procédure ; une partie du trésor, l’or essentiellement, fut partagée, le reste (l’argent et un peu d’or) fut enterré sur place.
La majeure partie de l’équipage, quatre-vingt hommes, après des semaines d’intense bricolage pour mettre à flot un nouveau bateau réalisé vaille que vaille, reprit la mer cent-vingt jours après le naufrage. Il ne resta à terre que dix hommes. Jamais plus on entendra parler de ces pirates qui ont plus que probablement sombré corps et biens sur leur voilier fait de bric et de broc.
Hines était lui aussi dans un état de santé déplorable, mais il survécut. Suffisamment pour parvenir vivant à San Francisco où il fut hospitalisé. Son état empira, et il mourut trente jours plus tard. Mais avant de rendre son dernier souffle, conscient de détenir un secret extraordinaire, il eut le temps d’écrire ou de faire écrire son histoire, celle du trésor de Palmyra. Il parla du butin : un million et demi de pièces d’or espagnoles, autant d’argent et des trésors précolombiens datant des Incas. Ces lettres restèrent confidentielles jusqu’en 1903. Commença alors une mystérieuse chasse au trésor, laissant à penser que le butin de Hines est bel et bien toujours sous quelques pelletées de sable corallien, à Palmyra…
Daniel Pardon
Cette année-là, ses écrits auraient été déposés auprès du capitaine du port de Hawaii pour être mis en sécurité par un marin disant se rendre aux îles Salomon (où il fit naufrage). Le capitaine du port, William R. Foster, ne le revit jamais et révéla, vingt ans plus tard, le contenu de ces papiers à un journaliste du Star Bulletin de Honolulu, qui en fit ses choux gras. Le propriétaire, depuis 1911, d’une partie de l’atoll, le juge Henry E. Cooper, aurait réalisé en vain des fouilles après la publication de cet article en 1923. Mais selon certaines rumeurs, il aurait fouillé et il aurait trouvé (ce qui semble très peu probable). En 1997, une autre expédition avec des autorisations officielles faillit voir le jour, mais les nouveaux propriétaires de l’atoll, les Fullard-Leo (famille qui racheta Palmyra en 1924 à Cooper), y mirent leur veto.
Une version différente circule ; elle raconte qu’un autre navire aurait récupéré le trésor, peut-être en sauvant les quatre pirates qui étaient restés sur place après le départ de Hines et de ses cinq camarades sur leur petite embarcation. Ce que Hines, au moment où il confessait cette histoire, ne pouvait pas savoir. Ce navire serait le Santa-Rosa et aurait ramené son butin à Honolulu, où l’on en n’a pas trace officielle, sinon des rumeurs d’échange de bouteilles de rhum contre des pièces d’or et d’argent par le roi Kamehameha…
Le gouvernement hawaiien en aurait revendiqué la pleine propriété dès 1862. Mais à l’époque, la couronne britannique le revendiquait aussi. Le 29 juin 1866, avec le feu vert de la cour suprême de Nouvelle-Zélande, l’île a été léguée à une dénommée Kalama par un Néo-Zélandais (citoyen britannique), Johnson Beswick Wilkinson, d’Auckland, qui n’était autre que son époux.
Quelques années plus tard, Kalama, remariée à Henry Kahaawinui, revendit l’atoll à W.L. Wilcock pour 550 dollars. Un autre vendeur est identifié sous le nom de J. Kaikala, sans doute un parent proche de Kalama.
Wilcock revendit l’atoll pour un dollar le 18 juillet 1885 à la Pacific Navigation Company (PNC).
En 1890, W.F. Allen, administrateur de la PNC, vendit l’île à un avocat dénommé W. A. Kinney, pour la somme de 750 dollars.
Celui-ci la revendit à perte à F.W. Wundengerd au prix bradé de 500 dollars.
Sa veuve, Mme Elsie M. Wundenberg, céda Palmyra en 1911 au juge Henry E. Cooper, de Honolulu, pour la somme de 750 dollars. Douze ans après près cet achat, Cooper monta une expédition avec un voilier dont le capitaine était F.C. Miller pour se rendre sur l’atoll d’où il serait peut-être revenu avec le trésor selon les uns, alors qu’officiellement, il revint bredouille. En 1922, Cooper revendit l’atoll à Mr. et Mrs. Fullard-Leo, résidant à Honolulu, pour la somme de 15 000 dollars. L’atoll, semble-t-il, est demeuré aux mains de cette famille depuis cette date.
Evidemment, même s’il existe une petite piste d’aviation construite par la marine US durant la guerre contre les Japonais, il faut impérativement s’y rendre en bateau, le lagon offrant des mouillages sûrs.
Mieux même, pour faciliter le travail des missions scientifiques qui se rendent sur place régulièrement, des bungalows pouvant chacun accueillir un couple ont été bâtis, bungalows construits en dur, avec des réservoirs d’eau de pluie ; on peut donc se doucher à Palmyra comme dans un bel hôtel des Tuamotu ! Au total, une douzaine de bâtiments ont été construits et les « voileux » peuvent même profiter d’un quai. Toutes ces infrastructures se trouvent sur Cooper Island, le plus grand motu.
Il reste toutefois à obtenir une autorisation pour se lancer dans des fouilles, sauf à décider de les mener clandestinement, à ses risques et périls évidemment.
Source : https://www.tahiti-infos.com/Carnet-de-voyage-1816-ou-est-le-tresor-de-James-Hines_a181867.html
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