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Carnet de voyage – 1816 : où est le trésor de James Hines ?

Carnet de voyage - 1816 : où est le trésor de James Hines ?
PACIFIQUE, le 31 mai 2019. Les histoires de trésor encombrent toutes les mers du monde. Certaines sont vraies, certaines le sont nettement moins, mais celle du dénommé Jame Hines a tout pour être authentique. Elle nous emmène sur le récif de l’atoll de Palmyra, en plein cœur du Pacifique Sud, au milieu de nulle part…

Ne cherchez pas des biographies du dénommé James Hines, vous aurez du mal à en trouver tant le personnage a eu un rôle tout à fait secondaire dans l’histoire de l’Océanie. Et pourtant, cet obscur marin est le pivot de l’une des plus intéressantes histoires de trésor concernant le Pacifique Sud, car pour une fois, des détails, il en a laissé derrière lui, suffisamment pour que le trésor de Hines ne soit pas qu’une simple vue de l’esprit.

Mais plantons d’abord le décor, à savoir Palmyra Island, petit atoll situé au nord de l’Etat du Kiribati (anciennes îles Gilbert et Ellice) et au sud-ouest de l’archipel hawaiien.


Un atoll américain désert
Les terres émergées sont insignifiantes, douze kilomètres carrés, culminant à deux ou trois mètres au-dessus du niveau de la mer (avec son lagon double, l’île mesure un peu plus de 407 kilomètres carrés).

Le 14 juin 1900, les Etats-Unis annexèrent cet anneau de corail ne présentant pas le moindre intérêt sinon stratégique. L’île a un statut très particulier, unique dans l’ensemble américain puisqu’elle est officiellement désignée comme un « unorganized incorporated territory », comprenez une île déserte revendiquée par Washington. Inhospitalier, l’atoll est donc inhabité, sauf lorsque des missions le prennent pour cadre, employés du gouvernement et scientifiques, l’île corallienne relevant dans son administration du « Nature Conservatory » américain. Chance à elle, par rapport à une autre île plus au nord, l’atoll de Jonhsnton, Palmyra Island n’a pas été transformée en poubelle à déchets, à vieilles munitions, à armes chimiques. Le milieu naturel est donc préservé de la folie et de la saleté crasse des hommes.

N’ayant jamais été habité ni mis en exploitation, la végétation de l’atoll n’ pas été rasée au profit de ces cocoteraies qui ont défiguré tant d’archipels, à commencer par celui des Tuamotu dont la flore originelle est devenue squelettique. Sur Palmyra, il y a certes nombre de cocotiers, mais aussi de grands Pisonia grandis, arbres plus hauts, permettant la nidification des oiseaux de mer, tandis que le reste de la flore habituelle (miki miki, faux tabac, etc.) s’y trouve dans son état naturel.


Sous l’œil de Hawaii
L’atoll, composé de deux lagons sert d’écrin à de nombreux motu, le plus grand répondant au nom de Cooper Island. Seule particularité géographique de cet atoll, officiellement baptisé « United States Territory of Palmyra Island », le fait qu’il soit le point le plus méridional de toutes les possessions américaines( à 5°52’15 » de latitude nord). Les îles Samoa, leur partie américaine, sont plus au sud, certes, mais n’ont pas été incorporées aux Etats-Unis (elles ont le statut de territoire américain autonome).

Faute de résidents, il n’y a aucune forme d’autorité sur Palmyra, et d’ailleurs, le Congrès des Etats-Unis ne s’est jamais penché sur la question ; en quelque sorte un « no man’s land US », même si le gouvernement de Hawaii peut mettre son nez dans les affaires de l’atoll, via le « United States District Court for the District of Hawaii ». Un détail qui a son importance pour ceux qui décideraient, après lecture de notre histoire, de se lancer dans la recherche de son fabuleux trésor. D’ailleurs, dans les temps anciens, l’atoll, qui se trouve sur la route Samoa-Hawaii, relevait de l’autorité du royaume de Hawaii.


Découverte en 1798
Le décor posé, voyons donc les acteurs de cette singulière comédie, dont James Hines est le personnage central.

Palmyra a été découverte en 1798 par le capitaine Fanning, à bord du Betsey, alors qu’il traversait le Pacifique depuis l’Amérique du Sud jusqu’en Chine. Le Betsey avait été massacrer environ cent mille otaries dans l’archipel de Juan Fernandez et comptait vendre les fourrures de ces animaux à Canton ou Macao. Un doute subsiste d’ailleurs quant à cette découverte, puisque le capitaine du Betsey assure que le bateau n’est parvenu qu’en vue du Kingman Reff, situé à plus de cinquante kilomètres de Palmyra et que de ce fait, Fanning n’a pas pu voir, donc découvrir, cette île.

Qu’importe la querelle, puisque nous concernant, le second navire à parvenir à l’atoll nous intéresse un peu plus : le USS Palmyra, commandé par Cornélius Sowle, y vautra son étrave sur le récif de corail et coula, donnant son nom à notre île dont les entrailles ne contiennent alors toujours pas un gramme d’or… Au moins cette terre hérita-t-elle d’un nom officiel qu’elle n’a jamais perdu depuis.


Les cales pleines d’or et d’argent
C’est en 1816 que les choses deviennent réellement passionnantes : le 1er janvier de cette année-là, le navire de commerce Esperanza quitta subrepticement le port d’El Callao (côte du Pérou). Il était discret, car ses cales étaient bourrées d’or et d’argent, trésor destiné à être amené dans la Caraïbe, puis en Espagne.

Pizarro l’odieux conquistador, dévastateur du Pérou et destructeur de la culture inca, était parvenu à prendre la capitale Cuzco en 1533. Autant dire que les richesses des Incas avaient eu le temps d’être pillées depuis près de trois siècles. Mais malgré tout, le Nouveau Monde renfermait encore bien des trésors, et la fabuleuse mine d’argent de Potosi continuait à fournir ses précieux lingots.

Si c’est l’or dont l’Espagne avait le plus besoin, elle commerçait alors avec l’Asie pour y échanger de l’argent contre de l’or, l’argent étant très apprécié en Asie. Il est donc possible que de nombreux lingots d’argent aient été stockés dans les cales de l’Esperanza, avec l’or que les Espagnols parvenaient encore à extraire du pays.

Fait important, à l’époque, troublée s’il en est, Madrid souhaitait rapatrier le plus de valeurs possibles de Lima, car les mouvements indépendantistes gagnaient en puissance : les premiers affrontements armés entre indépendantistes et troupes espagnoles commencèrent le 20 juin 1811 -bataille de Guaqui- avant d’autres affrontements en 1813 à Tacna. Le Pérou deviendra indépendant en 1821 (mais la guerre avec l’Espagne durera quatre années, de 1820 à 1824). Dans ce contexte conflictuel, on comprend que Madrid tenait à mettre à l’abri tout l’or que la vice-royauté avait accumulé à Lima.


Des pièces, des lingots, des bijoux…
Revenons à notre voilier aux cales bien pleines : les équipages, à l’époque, étaient composés de marins de toutes nationalités et c’est ainsi que se trouvait à bord un certain James Hines dont on ne sait pas grand chose. En revanche, unique rescapé d’une aventure épique, c’est lui qui révéla au monde l’existence du trésor. Car pour l’Esperanza, la météo se gâta très vite ; pris dans une violente tempête quatre jours après avoir quitté El Callao, le navire démâta et se trouva quasiment ingouvernable, en tous les cas incapable d’échapper à des pirates. Or, à cette époque, des pirates, il y en avait à foison le long des côtes sud-américaines, toujours prêts à fondre sur un port, une ville, un navire. L’Esperanza était une cible parfaite ; attaqué par des flibustiers, vulnérable, incapable de manœuvrer, le voilier fut pris d’assaut non sans que l’équipage défende le bâtiment. Celui-ci capturé, quelle ne fut la surprise des pirates de découvrir, dans les cales, un trésor inespéré, même pas imaginé en rêve ; de l’or, de l’argent, des pièces, des lingots, des bijoux, de quoi rentrer à la maison à l’abri du besoin.

La bataille ayant été rude, les morts nombreux, les pirates décidèrent d’incorporer à leur équipage les survivants de l’Esperanza. Simple marin, qui plus est d’origine anglaise, James Hines fut accueilli à bord tandis que coulait l’Esperanza. Fin du premier acte, le trésor, toujours à flot, avait changé de mains.


Quatre-vingt hommes disparaissent en mer
Hines constata que les pirates, fort de leur coup de main, ne voulaient pas prendre le risque d’être pris en chasse le long des côtes d’Amérique du Sud. Ils ne voulaient pas non plus jouer leur butin dans le redoutable cap Horn. Plus sagement, ils décidèrent de mettre le cap sur l’Asie, espérant parvenir à Macao ou à Canton.

La traversée fut longue, la météo capricieuse, les quatre-vingt dix hommes fatigués. Six semaines après leur coup de main, aux alentours du 17 février 1816, leur navire fut pris dans une forte tempête tropicale au niveau de l’équateur ; il perdit sa route et finit par heurter un récif du petit atoll de Palmyra, sans couler toutefois, mais son mât principal était brisé. La situation était critique, le bateau ne pouvait pas être réparé, mais du moins pouvait-il être vidé de sa précieuse cargaison.

A terre, les avis étaient partagés ; tout le monde voulait sa part, sachant que presque tous souhaitaient repartir en construisant une nouvelle embarcation avec les restes de leur navire, alors que d’autres désiraient rester et être secourus (en capturant l’équipage qui leur viendrait en aide).
Finalement, tous tombèrent d’accord sur une procédure ; une partie du trésor, l’or essentiellement, fut partagée, le reste (l’argent et un peu d’or) fut enterré sur place.

La majeure partie de l’équipage, quatre-vingt hommes, après des semaines d’intense bricolage pour mettre à flot un nouveau bateau réalisé vaille que vaille, reprit la mer cent-vingt jours après le naufrage. Il ne resta à terre que dix hommes. Jamais plus on entendra parler de ces pirates qui ont plus que probablement sombré corps et biens sur leur voilier fait de bric et de broc.


Un million et demi de pièces d’or
Sur l’île, les naufragés volontaires s’organisèrent ; au bout d’un an, une barcasse fut achevée pour tenter de quitter Palmyra. Six hommes, tirés au sort sur les dix présents, pouvaient embarquer sur le petit rafiot ; quatre furent abandonnés, affaiblis, sur Palmyra ; on n’entendra plus jamais reparler d’eux. Quand aux six intrépides marins, quatre d’entre eux furent emportés par la mer lors d’une tempête. Deux survécurent, dont notre James Hines ; ils n’avaient aucune chance de s’en tirer si un bateau ne les retrouvait pas. Or le miracle se produisit, un baleinier américain croisa leur route. L’un des deux rescapés, épuisé, mourra sur le navire qui l’avait repêché.

Hines était lui aussi dans un état de santé déplorable, mais il survécut. Suffisamment pour parvenir vivant à San Francisco où il fut hospitalisé. Son état empira, et il mourut trente jours plus tard. Mais avant de rendre son dernier souffle, conscient de détenir un secret extraordinaire, il eut le temps d’écrire ou de faire écrire son histoire, celle du trésor de Palmyra. Il parla du butin : un million et demi de pièces d’or espagnoles, autant d’argent et des trésors précolombiens datant des Incas. Ces lettres restèrent confidentielles jusqu’en 1903. Commença alors une mystérieuse chasse au trésor, laissant à penser que le butin de Hines est bel et bien toujours sous quelques pelletées de sable corallien, à Palmyra…

Daniel Pardon


Des recherches parcellaires
Aucune recherche sérieuse n’a, semble-t-il, été menée sur l’atoll de Palmyra. Les confidences écrites de James Hines n’ont pas été révélées avant 1903.

Cette année-là, ses écrits auraient été déposés auprès du capitaine du port de Hawaii pour être mis en sécurité par un marin disant se rendre aux îles Salomon (où il fit naufrage). Le capitaine du port, William R. Foster, ne le revit jamais et révéla, vingt ans plus tard, le contenu de ces papiers à un journaliste du Star Bulletin de Honolulu, qui en fit ses choux gras. Le propriétaire, depuis 1911, d’une partie de l’atoll, le juge Henry E. Cooper, aurait réalisé en vain des fouilles après la publication de cet article en 1923. Mais selon certaines rumeurs, il aurait fouillé et il aurait trouvé (ce qui semble très peu probable). En 1997, une autre expédition avec des autorisations officielles faillit voir le jour, mais les nouveaux propriétaires de l’atoll, les Fullard-Leo (famille qui racheta Palmyra en 1924 à Cooper), y mirent leur veto.

Une version différente circule ; elle raconte qu’un autre navire aurait récupéré le trésor, peut-être en sauvant les quatre pirates qui étaient restés sur place après le départ de Hines et de ses cinq camarades sur leur petite embarcation. Ce que Hines, au moment où il confessait cette histoire, ne pouvait pas savoir. Ce navire serait le Santa-Rosa et aurait ramené son butin à Honolulu, où l’on en n’a pas trace officielle, sinon des rumeurs d’échange de bouteilles de rhum contre des pièces d’or et d’argent par le roi Kamehameha…


Palmyra, propriété privée
Si le statut juridique de l’atoll dans l’ensemble américain est très particulier, nous avons pu reconstituer, grâce à un article paru en 1924, ses changements de propriétaires.

Le gouvernement hawaiien en aurait revendiqué la pleine propriété dès 1862. Mais à l’époque, la couronne britannique le revendiquait aussi. Le 29 juin 1866, avec le feu vert de la cour suprême de Nouvelle-Zélande, l’île a été léguée à une dénommée Kalama par un Néo-Zélandais (citoyen britannique), Johnson Beswick Wilkinson, d’Auckland, qui n’était autre que son époux.

Quelques années plus tard, Kalama, remariée à Henry Kahaawinui, revendit l’atoll à W.L. Wilcock pour 550 dollars. Un autre vendeur est identifié sous le nom de J. Kaikala, sans doute un parent proche de Kalama.

Wilcock revendit l’atoll pour un dollar le 18 juillet 1885 à la Pacific Navigation Company (PNC).
En 1890, W.F. Allen, administrateur de la PNC, vendit l’île à un avocat dénommé W. A. Kinney, pour la somme de 750 dollars.

Celui-ci la revendit à perte à F.W. Wundengerd au prix bradé de 500 dollars.

Sa veuve, Mme Elsie M. Wundenberg, céda Palmyra en 1911 au juge Henry E. Cooper, de Honolulu, pour la somme de 750 dollars. Douze ans après près cet achat, Cooper monta une expédition avec un voilier dont le capitaine était F.C. Miller pour se rendre sur l’atoll d’où il serait peut-être revenu avec le trésor selon les uns, alors qu’officiellement, il revint bredouille. En 1922, Cooper revendit l’atoll à Mr. et Mrs. Fullard-Leo, résidant à Honolulu, pour la somme de 15 000 dollars. L’atoll, semble-t-il, est demeuré aux mains de cette famille depuis cette date.


Peut-on se rendre sur Palmyra ?
Compte tenu du statut hybrique de Palmyra, un chasseur de trésor, déguisé en touriste bien évidemment, peut-il demain se rendre sur l’atoll ? Et bien oui, la bonne nouvelle étant qu’un embryon d’éco-tourisme s’y développe, pour l’observation de la faune aviaire et de la faune marine bien entendu.

Evidemment, même s’il existe une petite piste d’aviation construite par la marine US durant la guerre contre les Japonais, il faut impérativement s’y rendre en bateau, le lagon offrant des mouillages sûrs.

Mieux même, pour faciliter le travail des missions scientifiques qui se rendent sur place régulièrement, des bungalows pouvant chacun accueillir un couple ont été bâtis, bungalows construits en dur, avec des réservoirs d’eau de pluie ; on peut donc se doucher à Palmyra comme dans un bel hôtel des Tuamotu ! Au total, une douzaine de bâtiments ont été construits et les « voileux » peuvent même profiter d’un quai. Toutes ces infrastructures se trouvent sur Cooper Island, le plus grand motu.

Il reste toutefois à obtenir une autorisation pour se lancer dans des fouilles, sauf à décider de les mener clandestinement, à ses risques et périls évidemment.


Carnet de voyage - 1816 : où est le trésor de James Hines ?


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Source : https://www.tahiti-infos.com/Carnet-de-voyage-1816-ou-est-le-tresor-de-James-Hines_a181867.html

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