Débat CCN/ZCL : Quel avenir pour la Guadeloupe ? (2)
Débat Politique. CCN/ZCL : Quel avenir pour la Guadeloupe ? (2)
Pointe-à-Pitre. Samedi 21 septembre 2024. CCN. Georges Combé, ex prof de philo est l’un de ces intellectuels guadeloupéens, militant de longue date, observateur attentif et critique de la société de notre pays, à qui CCN a demandé pour ce débat politique une analyse de la situation actuelle. Il est aussi le fondateur de la revue “Etudes Guadeloupéennes” laquelle a publié le célèbre texte de Raoul Cyril Serva : “ Le sens du pays”.
L’exigence de se prendre en main by Georges COMBE
Comment appréhender la situation politique de la Guadeloupe dans la période que nous vivons ? Comment s’orienter après l’extrême confusion née de la crise politique qu’a traversée la France et dont personne ne sait quand elle prendra fin ?
Répondre à ces deux questions présuppose dans un premier temps que l’on parte du constat que les problèmes économiques et sociaux de la Guadeloupe sont en attente de solutions fortes et durables tant de la part de l’Etat français que des politiques locaux. Cette carence des autorités engendre de profondes souffrances au sein de la population et nourrit exaspération et colère.
Il convient dans un deuxième temps de revenir sur deux initiatives politiques qui ont été prises afin de positionner une véritable responsabilité politique guadeloupéenne.
Le salmigondis qui prévaut actuellement sur la scène politique française, une sorte de bari boutèy krazé, l’impérieuse nécessité de porter des solutions pérennes aux problèmes du péyi-Gwadloup nous commandent de poser une exigence pour les Guadeloupéens de se prendre en main.
- Gravité des problèmes, exaspération et colère de la population
Nous n’en dresserons pas une liste exhaustive.
– L’eau. Gabégie ou incompétence ? C’est un pas en avant, deux pas en arrière. Pollution, casses sur les réseaux, coupures intempestives de la distribution, des tours d’eau qui n’en finissent pas, une structure le SMGEAG, et c’est le cas de le dire, qui a la tête complètement sous l’eau..
– La plupart des secteurs de l’économie sont en grande souffrance (canne, banane, pêche, bâtiment, tourisme..)
Le conflit de la canne cette année a montré comment ce secteur était arrivé à un stade crucial mettant en jeu son existence même
– La santé ne répond pas aux besoins de la population, en particulier les plus âgés
– L’éducation, quoi qu’en disent les autorités, reste en grande difficulté. Le système éducatif en Guadeloupe est au bas de la liste des différents classements.
Vient se greffer sur ce sombre tableau économique une situation sociale préoccupante : un chômage à un niveau toujours élevé qui affecte particulièrement les jeunes. Qui ne voit pas là le terreau sur lequel se développent la délinquance, les trafics de toutes sortes et la violence.
- Les initiatives politiques
Le 18e Congrès de élus guadeloupéens, le 12 juin, boosté par tout un aéropage d’experts, s’est tenu tant bien que mal. Pourquoi ? Parce qu’il a donné lieu à une mise en scène assez cocasse. Dans un premier temps, le Président de région, celui qui travaille avec ses deux mains, gauche et droite, n’était pas favorable à la tenue de ce congrès. Dans un deuxième temps, il s’est ravisé, pas forcément de gaieté de cœur, et enfin dernier acte, comme un dénouement du théâtre classique, il a manifesté son adhésion avec un enthousiasme dont chacun sera libre d’apprécier la sincérité.
La messe a été dite. Des résolutions ont été votées afin d’être transmises au gouvernement français. Jusque-là tout va bien. Mais quel gouvernement ? Au moment où ces lignes sont écrites, il n’a pas d’existence et on peut se demander si ces résolutions seront au cœur de ses priorités lorsqu’il sera à pied d’œuvre. Il ne faut pas perdre de vue qu’en dehors des problèmes proprement franco-français, le gros dossier que le nouveau gouvernement aura à gérer, s’agissant des dernières colonies, c’est celui de la Kanaky. C’est dire que les résolutions votées par les élus guadeloupéens courent le risque de finir au fond d’un tiroir.
Toujours dans le champ politique, un certain nombre d’organisations anticolonialistes et progressistes ont pris l’initiative de se rassembler autour du mot d’ordre d’autonomie. L’idée est certes très louable mais si l’on n’en reste qu’à une idée, on ne va pas très loin. L’histoire de la Guadeloupe a connu de tels regroupements qui n’ont pas fait long feu (le Front Guadeloupéen pour l’Autonomie en 1964, le MUFLNG (Mouvement d’Unification des Forces de Libération Nationale de la Guadeloupe) dans les années 1980.
De tout ce qu’il précède il faut tirer cette conclusion que les solutions aux problèmes que rencontrent les Guadeloupéens ne peuvent venir de personne d’autre que d’eux-mêmes, à savoir de leur volonté, leur engagement et leur détermination.
3. Se prendre en main
La crise politique française nous instruit encore plus du fait que la Guadeloupe ne peut demeurer en attente de ce qui se passe en France. Son destin ne peut être en permanence enchaîné à celui de la France, soumis perpétuellement aux décisions émanant de Paris, voire de Bruxelles. Il est plus que temps pour nous de maîtriser notre propre temps politique, de mettre un terme à cette situation de dépendance née de la colonisation et qui se prolonge aujourd’hui avec le statut de départementalisation-assimilation. Continuer dans cette voie c’est se condamner à l’impuissance, à vivre dans la sous-France et la souffrance. Aussi, la question politique est une question posée et à résoudre. Elle met en lumière la nécessité d’un pouvoir politique guadeloupéen pour entamer une authentique décolonisation et clore le chapitre de la colonie départementalisée.
On conviendra aisément que l’énoncé de cette exigence ne suffit pas et qu’elle ne met pas un terme définitif à l’histoire. Il faut pouvoir donner à cette revendication du pouvoir politique une traduction concrète tenant compte de la situation tout à fait concrète que nous vivons. Inutile de se gargariser de slogans, de se répandre en exécrations d’un côté ou de raser les murs de l’autre avec des formules sybillines. Ce dont notre peuple a besoin en ce moment, c’est d’avancer dans l’unité, avec des forces vives organisées sur des bases claires, avec des objectifs qui le sont tout autant.
Ne nous faisons pas d’illusions, cette revendication n’aboutira pas avec la simple remise de dossiers et de résolutions au gouvernement français. Elle passe par une mobilisation populaire exprimant le sentiment des Guadeloupéens d’habiter vraiment leur pays et ne pas s’y sentir comme des étrangers sous la dépendance de l’autre.
Nous avons les atouts pour réussir cette tâche.
Que les responsables politiques se défassent de la peur, de la pérézité instillée par l’idéologie coloniale, au fond qu’ils ou qu’elles se hissent au niveau d’hommes ou de femmes d’Etat. Ils ou elles peuvent prendre en exemple la 1ère ministre de la Barbade, Mia Mottley.
Ayons confiance dans les ressources de notre intelligence collective et de notre imagination créatrice.
Georges COMBÉ
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