Du bangué qui se transforme en souris
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C’était quasiment une bande de trafiquants de drogue qui se présentait à la barre du tribunal correctionnel ce mercredi matin. C’est d’une souris qu’accouchera le procès.
Il était reproché aux six prévenus le transport, la détention, l’acquisition et la vente de produits stupéfiants. Du bangué (herbe de cannabis) ça c’était certain, et plus hypothétiquement, de la résine de cannabis. Le tribunal, réuni en collégialité, ne retiendra finalement que la première substance, non travaillée, donc moins sanctionnée.
Une femme et quatre hommes se présentaient libres, le mari de la première étant resté à La Réunion. Trois d’entre eux étaient mineurs au moment des faits de septembre 2011 à juillet 2012. L’enquête avait incité les policiers à traîner du côté de chez Luchio à Passamainty, secteur réputé pour les échanges de drogue, surtout du bangué.
Deux des individus ont connu une certaine proximité avec les services judiciaires dans leur jeunesse : vols, vol en réunion, deux mois de prison par le tribunal pour enfant, vols aggravés avec 70 heures de Travaux d’intérêt général pour S. et K. Des travaux qu’ils n’auront jamais fait…
Dissimulé derrière la machine
Mais ils ne sont pour autant pas devenus de jeunes adultes errants, l’un travaille comme médiateur à la mairie de Mamoudzou, « je fais la morale aux voyous », et le second était en CDI à Bourbon Equipement. Le troisième à être fortement impliqué dans un trafic qui s’avèrera être réduit à quelques grammes, n’a pas d’antécédent judiciaire.
H.S. n’est là qu’en tant qu’« épouse de », ne parle pas français et ne semble mêlée que de loin à l’histoire.
De même que A. qui se retrouve à la barre pour avoir dissimulé derrière sa machine à laver le linge 11 tubes de bangué : « je les avais substilisé à un gamin qui dealait à qui je voulais faire la leçon », se défend-il. En situation irrégulière, il vit des prestations familiales que lui envoie sa femme depuis La Réunion.
Le bénéfice variait selon les revendeurs de 50 euros à 150 euros par jour quand même. « Je voulais financer mon voyage à Mada », se défend l’un. Car les trois reconnaissent les faits, un seul avoue être consommateur.
Deux poids de drogue, deux mesures…
Un petit trafic donc, comme le reconnaitra la procureur, « mais un trafic qui implique des mineurs comme revendeurs et consommateurs. C’est inadmissible ! » Ce qui motivait un dialogue plutôt musclé entre un des prévenus et la présidente.
Aux questions vives des juges, A. répondait maladroitement, ce qui provoquait l’ire de son avocat, Me Chauvin : « le contexte mahorais et la manière de poser les questions n’est encore une fois pas pris en compte par le tribunal. Mon client vous répond ‘oui’ sur sa culpabilité, alors qu’il a longuement expliqué qu’il n’avait rien à voir avec cette histoire ! » Un homme en situation irrégulière à qui l’on reproche également de ne pas être allé au commissariat pour y déposer le bangué trouvé…
Julien Chauvin terminait en disant son incompréhension face à un précédent jugement de relaxe sur une affaire de 14 détenteurs de grosses quantités de drogue qui étaient repartis libres, « et là, pour 30 euros, ils ont eu à subir 3 ans de contrôle judiciaire ? »
Le bâtonnier Saïdal qui défendait les autres prévenus suivait la même longueur d’onde, « ils sont intégrés dans la société, nous devons les aider ».
Au bout de plus de trois heures de procès, le verdict est tombé, accouchant d’une souris : S. et K. ont été condamnés à 12 mois de prison dont 3 ferme, qu’ils ont déjà effectués, et une mise à l’épreuve pendant 2 ans avec obligation de soins, pour celui qui est consommateur, et de travail, ce qui est déjà le cas. Six mois de prison pour le troisième, qu’il a déjà purgés.
La femme du revendeur absent et A. sont condamnés à 3 mois avec sursis.
A.P-L.
Le Journal de Mayotte
Source : http://lejournaldemayotte.com/une/du-bangue-qui-se-transforme-en-souris/
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