Faisons du carnaval un investissement productif et non une dépense publique
En Haïti, en général, dès qu’on parle de carnaval, on a tendance à comparer le notre au carnaval de Rio au Brésil. C’est un très bon reflexe vu que le carnaval de Rio est réputé comme l’un des plus spectaculaires au niveau mondial pour ne pas dire le plus spectaculaire, sans oublier le carnaval de Venise, ou le mardi gras de New Orleans.
Costumes extravagants, percussions assourdissantes, chars monumentaux et danseuses revêtues de leurs seules paillettes : les défilés spectaculaires du carnaval de Rio représentent un spectacle à nul autre pareil qui est d’ailleurs diffusé par les télévisions du monde entier et attire plus de 800.000 touristes brésiliens et étrangers.
Pas du spectacle gratuit, mais des investissements avec un retour, car ces activités qui se dérouleront cette année entre 28 Février et 4 mars à Rio devraient rapporter près de 900 millions de dollars aux hôtels, bars et restaurants de la ville, selon les informations fournie par les autorités de cette municipalité. Les recettes proviennent également des tickets vendus à l’avance car un public de 70.000 privilégiés regarde les défilés payants sur le Sambodrome, une avenue de 700 mètres bordée de gradins à ciel ouvert et de loges pour VIP.
Donc, encore une fois le spectacle n’est pas totalement gratuit. La logique de rentabilité est la, même dans des activités culturelles.
Laissons le Brésil de coté, essayons de regarder plus près de nous. Trinidad and Tobago. En effet, le Carnaval de Trinidad est reconnu comme le champion de la Caraïbe. Un événement annuel d’envergure mondiale qui désormais n’a rien à envier à son cousin, le fastueux carnaval de Rio. Tous les ans, environ 50 000 touristes viennent sur cette ile pour participer à des activités qui durent plusieurs jours d’affilée.
En effet, le flux d’arrivées de visiteurs a augmenté de 60% depuis la fin des années 1990 et en 2007, il y avait plus de 40.000 visiteurs qui ont dépensé environ 28 millions de dollars. Aujourd’hui selon les plus récentes données fournies par le Bureau Central des Statistiques et l’Université de West Indies (UWI), les trois semaines d’activités de carnaval accusent des recettes qui dépassent 100 millions de dollars américains.
Le carnaval est donc considéré comme la plus importante exportation culturelle de Trinidad-and-Tobago.
Arrêtons un instant de parler de Rio et de Trinidad and Tobago. Le carnaval des Gonaïves est dans 4 jours. Selon les informations diffusées dans la presse haïtienne, environ 121 millions de gourdes seront dépensées pour réaliser ces festivités.
Le comité organisateur annonce que la ville des Gonaïves devra bénéficier pleinement de ces trois jours de festivité, notamment les ventes parce que les emplois qui seront générés par la construction de chantier et autres infrastructures devront permettre aux citoyens de cette ville d’augmenter leurs revenus.
Ces déclarations ne rassurent pas, et ne répondent pas encore à la nécessité de rentabiliser le carnaval haïtien de manière systématique. Un sujet qui a été en maintes fois l’objet de débats dans le pays, mais on n’arrive pas encore à le matérialiser.
On continue encore à faire du carnaval une dépense publique et non un vrai investissement productif, dans une logique de rentabilité, comme le font les entreprises privées, voire le carnaval de Trinidad ou de Rio qui sont inscrits dans une perspective d’affaires.
En tout état de cause, Il faut changer de modèle…..Les organisateurs de bal, ou de soirées de DJ ou autres en Haïti devraient servir de modèles pour l’Etat dans l’organisation du carnaval, car ces promoteurs essaient toujours d’avoir des rentrées supérieures aux dépenses effectuées pour être rentable.
Cela demande donc un vrai plan d’affaires et toute une organisation, une planification, d’où l’importance de la question de délai de préparation et la nécessité d’avoir un comité permanent d’organisation pour éviter les improvisations et empressements de chaque année pour des produits mitigés. A titre d’information, le calendrier des festivités de carnaval de Trinidad jusqu’ à l’année 2026 est disponible sur le site gotrinidadtobago.com
Donc, avant tout il faut penser le produit « carnaval », au même sens qu’une entreprise devrait vendre un bien ou un service à des consommateurs, en cherchant à attirer, et se faire aimer. Et ce produit pourra avoir un prix et être vendu, d’où l’importance de vendre des tickets pour des défilés et spectacles réservés sur des pavillons ou plateformes aménagés avec des niveaux de prix comme cela se fait dans les stades de foot ou de basket de NBA. Il faut définitivement copier les bonnes choses des autres.
Parallèlement, il faut définir des stratégie de marché pour le carnaval, développer des campagnes de marketing notamment sur internet (d’ou l’importance de créer un site internet permanent et attractif pour l’événement). Cette promotion nécessite l’établissement de partenariats public-privés car les deux ont intérêt dans un carnaval qui rapporte.
A l’avenir, le carnaval sera obligé d’atteindre une autre échelle, qui nécessiterait de plus grands investissements, avec des sources variées de financement… cependant l’événement doit rester rentable et viable pour les parties prenantes.
Ainsi, le Carnaval sera une grande entreprise, et pourra constituer une poche de richesse pour les communautés, pour l’Etat Central, aussi bien que les investisseurs et les entreprises en général.
Il est déjà trop tard pour prendre les choses en main pour cette année, mais il est encore tôt pour 2015. Essayons de lancer la planification de l’année prochaine des ce mois de février, de manière organisée, et structurée, guidée par l’esprit d’entreprise, avec des objectifs précis et chiffrés en termes de chiffres d’affaires et de rentabilité pour l’économie haïtienne.
Etzer Emile, Radio Vision 2000