Accueil » Guadeloupe » Guadeloupe Actu » France. Médias et Géopolitique : La banalité du mal ?

France. Médias et Géopolitique : La banalité du mal ?

France. Médias et Géopolitique : La banalité du mal ?

Paris. Jeudi 27 février 2025.CCN. Est-ce une folie, ou une idée révolutionnaire qui pourrait changer le cours de l’histoire ?  Donald Trump veut donc que les États-Unis s’emparent de la bande de Gaza, dévastée par quinze mois de guerre. Il souhaite transformer ce territoire surpeuplé en riviera paisible et prospère, mais, auparavant, il faudrait déplacer toute la population civile vers d’autres pays. ».

Ces mots sont de Gilles Bouleau, présentateur du JT de 20h de TF1, le 6 février 2025. Ton neutre et assuré, le présentateur d’un des programmes télévisés les plus regardés en France affirme que, si les Etats-Unis veulent transformer Gaza en Monaco, ils devront procéder à un nettoyage ethnique. Il n’y a pas d’ironie dans ses mots, pas de gêne, pas de révolte, pas d’agacement, mais le sérieux de rigueur d’un manager qui questionne les moyens à mobiliser afin d’atteindre ses objectifs.

l’analyse de Dimitry  lasserre, CCN Paris.

Partagez sur

Partagez sur

Depuis le 7 octobre 2023, l’UNICEF dénombre près de 48 000 morts à Gaza, dont 14 500 enfants, ainsi que 110 000 blessés. Alors que ce que l’ONU qualifie de « génocide » se déroule à Gaza, Gilles Bouleau voit dans cette situation, à travers l’oeil de Donald Trump, une opportunité immobilière.

Les africains n’ont pas été déportés

Le 6 février dernier, encore, Claudy Siar, militant pro-palestinien d’origine guadeloupéene, s’est entendu dire, sur le plateau des Grandes Gueules du Moyen Orient, sur la chaîne I24 News, que  « non, les Africains n’ont pas été déportés » lors de la traite négrière. C’est Olivier Pardo, un avocat et ancien magistrat, qui lui a tenu un discours de concurrence victimaire, en expliquant que le terme de déportation devait être réservé aux juifs victimes de l’holocauste. Le même Olivier Pardo minimisait alors le crime de l’esclavage et de la traite devant celui de la Shoah. Olivier Pardo, par ailleurs, est l’avocat d’Eric Zemmour, l’homme politique qui réhabilite Pétain et nie le colonialisme français en Algérie – entre mille autres choses. « Les Africains n’ont pas été déportés ». C’est bien connu, les populations caribéennes, de tout temps, furent d’origine africaine. Le négationnisme à la télévision. Tout est normal.

Le 16 février, des néonazis ont poignardé un militant de la CGT lors de la projection d’un film en plein centre de Paris au cri de « Paris et nazi ! » Cela émeut moins les grands médias français. On peut le comprendre. Un gauchiste poignardé, ça ne rapporte pas autant qu’un hôtel avec piscine à Gaza. Et puis, si on ne s’émeut pas du génocide d’un peuple, on ne va tout de même pas se soucier d’un attentat commis par ceux qui soutiennent ce génocide.

Dans son compte-rendu du procès d’Adolf Eichmann à Jérusalem, Hannah Arendt propose le concept de « banalité du mal » pour décrire l’attitude qui consiste, lors d’un processus de soumission à une autorité, à demeurer indifférent aux crimes promus et perpétrés par cette autorité. La banalité du mal est une hypothèse de psychologie sociale. Les êtres humains, encadrés socialement par un appareil coercitif, tiennent pour « normales » les actions menées par cet appareil. Cette hypothèse a été corroborée par des expérimentations célèbres. La plus connue d’entre elles, qui est controversée, est l’expérience de Milgram. Plus récemment, des chercheurs suisses ont reproduit l’expérience de Milgram à l’échelle d’un jeu télévisé. Les candidats prêts à torturer le binôme qui participait au jeu avec eux étaient légion. Le film de Jonathan Glazer, La zone d’intérêt, illustre également cette idée. Rudolf Höss, directeur du camp d’extermination d’Auschwitz, menait une vie ordinaire avec une famille ordinaire aux abords d’un lieu où étaient exploités, torturés et massacrés des centaines de milliers de juifs. L’horreur lui apparaissait elle-même ordinaire, routinière. Le mal peut devenir normal si les mécanismes de coercition et de propagande sont suffisamment efficaces sur le corps social.

L’Indifférence des médias de masse

La banalité du mal peut expliquer l’indifférence de journalistes comme Gilles Bouleau à l’égard d’un génocide, l’indifférence des médias de masses vis-à-vis de l’agressions violente subie par un de ceux qui sont désormais appelés « islamo-gauchistes » (c’est-à-dire les nouveaux judéo-bolchéviques), l’indifférence de l’avocat d’un politicien fasciste vis-à-vis de la déportation et de la réduction en esclavage de millions d’Africains pendant plusieurs siècles. Ces horreurs-là, le génocide en cours, la traite négrière, le retour du nazisme dans le monde blanc, ne les touchent pas. Elles sont la norme. Elles sont banales. Elles sont nécessaires. Elles ne sont même pas perçues comme des horreurs.

Le problème avec l’analyse d’Arendt est qu’elle est particulièrement dépolitisante et profondément anhistorique. Elle se pose comme un constat en soi, et les sujets de ce constat sont l’autorité d’une part, et la société de l’autre. Mais cette autorité n’a pas de couleur, pas d’idées, pas de sens, pas d’action, pas d’histoire. C’est un sujet abstrait. Rien d’étonnant de la part d’une philosophe qui mettait dos à dos les nazis et ceux qui les ont renversés. Oui, il se joue sans doute quelque chose qui relève de la banalité du mal chez ceux et celles qui ferment les yeux sur le génocide en cours, sur les violences coloniales israéliennes, et sur les violences coloniales en général – puisqu’elles viennent le plus souvent de leur propre camp. Mais, une fois cela dit, nous ne sommes pas beaucoup plus avancés. Quelle est la source de ce mal, devenue si banale ? D’où vient donc cette banalité, qui fait si mal ?

La bourgeoisie est raciste.

Qu’ont en commun Gilles Bouleau, Olivier Pardo et toute la clique des journalistes et patrons de presse des médias de masse ? Ils appartiennent à la même classe sociale. Ils appartiennent à la même race sociale. Ils appartiennent au même genre. Ce sont des hommes blancs, assez vieux, et bourgeois. Peut-être trouvera-t-on dans cette sociologie si spécifique les raisons de la banalité du mal qui les affecte. Le sens commun parle de « deux poids, deux mesures » pour qualifier les comportements parfois invraisemblables de la bourgeoisie. Mais, deux poids de mesures, c’est comme la banalité du mal, cela ne dit pas grand-chose. S’il est plus grave, pour les bourgeois, qu’un humoriste se présente sur un plateau télévisé en portant une barbe et un bonnet (parce qu’il a une tête d’Arabe) qu’un écrivain médiocre, et pire réalisateur encore (Yann Moix), encourage un comédien moins médiocre (Gérard Depardieu) dans ses agressions sexuelles, c’est parce que le premier est racisé et l’autre blanc. La classe bourgeoise est raciste. Elle est fondamentalement raciste. Elle est profondément raciste. Elle est nécessairement raciste.

La banalité du mal s’explique par le racisme de la bourgeoisie. Qui sont les victimes à Gaza ? Des Palestiniens ; des « islamistes », ils disent. Qui furent les victimes de la traite ? Des Africains ; des « noirs », ils disent (en fait, ils disent autre chose, mais je n’ose pas le mot, en tant que blanc). Qui sont les victimes de la montée des néonazis ? Les minorités ethniques et sexuelles et, avec elles, les militants qui les soutiennent. S’il est bien un vecteur commun dans l’histoire récente de la banalité du mal, c’est le racisme ; dirigé contre les juifs en 40, contre les noirs et les Arabes aujourd’hui. Rien d’étonnant que la bourgeoisie (réactionnaire) ne s’émeuve pas des massacres commis dans la bande de Gaza. En un sens, il est probable que ces massacres les rassurent, ces bourgeois.

Les politiques coloniales – génocide à Gaza – et néocoloniales – perspectives de business après le génocide – sont aveugles au mal qu’elles causent parce qu’elles sont le fait d’une classe sociale mue par le racisme et la cupidité. C’est de ce racisme et de cette cupidité qu’émergent les discours négationnistes, qui tantôt nient le génocide palestinien, tantôt la déportation des Africains aux Caraïbes. Ces discours négationnistes affichent autant de justifications à l’horreur réelle, qui est rendue abstraite par eux. Il se produit là quelque chose de systématique. Le peuple guadeloupéen en sait quelque chose. C’est le même négationnisme, mû par le même racisme et la même cupidité, qui nie leur empoisonnement à la chlordécone. Quand on en sera à compter les morts, les négationnistes diront que les morts n’existent pas. Et quand ils auront constaté l’empoisonnement des sols antillais, les négationnistes y verront une opportunité immobilière. Il n’y a pas, historiquement, de banalité du mal. Ce qu’il y a, c’est le racisme, qui se renforce de jour en jour, de la classe bourgeoise.

L’article France. Médias et Géopolitique : La banalité du mal ? est apparu en premier sur CCN – Caraib Creole News.

???? Détendez-vous !

Levez les pieds et laissez-nous faire le travail pour vous. Inscrivez-vous pour recevoir les dernières actualités directement dans votre boîte de réception.

Nous ne vous enverrons jamais de spam ni ne partagerons votre adresse électronique.
Consultez notre politique de confidentialité.

Partager cet article

caraibcreolenews
caraibcreolenews
Voir toutes les actus

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

à lire aussi

La rédaction vous recommande