Guantanamo : la condamnation de l’Australien David Hicks annulée
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La condamnation de David Hicks en mars 2007 avait été la première de huit au total sur près de 800 détenus passés par les geôles de Guantanamo en plus de 13 ans.
Il avait plaidé coupable de "soutien matériel de décembre 2000 à décembre 2001 à une organisation internationale engagée dans des hostilités contre les Etats-Unis, en l’occurrence Al-Qaïda", selon le document de la cour d’appel des tribunaux militaires.
A l’unanimité, les trois juges d’appel ont infirmé sa condamnation à sept ans de prison, dont seuls neuf mois avaient été purgés conformément à un accord passé avec l’accusation.
"Le gouvernement n’a pas l’intention de faire appel", a déclaré à l’AFP un porte-parole du Pentagone, Myles Caggins. "M. Hicks a été rapatrié en Australie en 2007 peu après avoir plaidé coupable", a-t-il ajouté.
"C’est un soulagement parce que c’est enfin terminé", a réagi David Hicks à Sydney. "A cause de la politique, j’ai subi cinq ans et demi de torture physique et psychologique avec laquelle je suis condamné à vivre."
Selon leur arrêt de 10 pages, les juges militaires se sont appuyés sur une décision récente d’une cour d’appel civile de Washington qui avait annulé la condamnation d’un autre prisonnier de Guantanamo, estimant que le "soutien matériel au terrorisme" n’était pas un crime de guerre et ne pouvait donc pas être jugé par un tribunal militaire d’exception.
"Il n’a plus cette condamnation comme épée de Damoclès au-dessus de la tête", s’est félicité Wells Dixon, l’avocat du Center for Constitutional Rights (CCR) qui défend plusieurs détenus de Guantanamo, dont Hicks.
"David Hicks est maintenant pleinement libéré de Guantanamo", a estimé Me Dixon.
"Cette décision confirme qu’il n’a commis aucun crime et qu’il est en fait innocent de toute infraction", a-t-il dit dans un courriel à l’AFP, soulignant que l’arrêt "est une illustration de ce qu’il advient quand on bâtit de toutes pièces un système de justice parallèle".
Le gouvernement australien a été accusé de ne pas avoir fait assez pour l’assister pendant qu’il était détenu à Guantanamo. Mais David Hicks a déclaré qu’il était "trop abattu" pour réclamer des excuses officielles.
Le Premier ministre australien, Tony Abbott, a affirmé jeudi que le gouvernement avait "fait ce qu’il fallait" et a exclu de présenter des excuses.
"Ne l’oublions pas, quels que soient les aspects juridiques – et c’était essentiellement l’affaire d’un tribunal américain fonctionnant selon la loi américaine -, (David Hicks) n’avait pas de bonnes intentions, selon ce qu’il a lui-même reconnu", a déclaré M. Abbott.
"Et je ne compte pas m’excuser pour les actions que les gouvernements australiens entreprennent pour protéger notre pays. Ni maintenant, ni jamais", a-t-il dit.
Daniel Hicks se dit aujourd’hui sujet "à de nombreux troubles psychologiques" qui affectent sa "capacité à occuper un emploi". "Le gouvernement australien connaissait les conditions de ma détention. Il devrait au moins payer mes dépenses médicales", affirme-t-il.
Son état, selon lui, est directement "lié à la torture" : "Etre maintenu dans des conditions de froid extrême, des petites cellules pendant des années, ne pas pouvoir ni bouger ni s’entraîner" fait que "le corps se dégrade".
Hicks avait été interpellé en 2001 en Afghanistan, après s’être entraîné dans un camp d’Al-Qaïda et avoir rencontré Oussama ben Laden. Il a passé près de cinq ans à Guantanamo, dont neuf mois après sa condamnation.
Sur les huit prisonniers condamnés par les tribunaux de Guantanamo depuis leur création en 2006, six avaient plaidé coupable. La condamnation de trois d’entre eux a été annulée, tandis que celle des trois autres est instruite en appel.
"La décision d’aujourd’hui montre encore une fois que le système judiciaire inefficace et inutile de Guantanamo est mal équipé pour gérer les affaires de terrorisme", a déclaré Daphné Eviatar, de Human Rights First, soulignant que David Hicks aurait pu être jugé devant un tribunal de droit commun.
L’organisation de défense des droits de l’Homme note que le système judiciaire fédéral a fini de juger plus de 500 affaires de terrorisme international depuis le 11 septembre 2001, dont 67 concernaient des personnes capturées à l’étranger.
"Les tribunaux fédéraux civils sont un des outils les plus puissants dont nous disposions pour lutter contre le terrorisme (…) le jugement d’aujourd’hui le confirme", a ajouté Daphné Eviatar.
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