Haïti – Économie : Hausse prévisible et inévitable des prix du carburants sur le marché haïtien…A quoi peut-on s’attendre ?
Fini les rumeurs, fini les promesses, les ministères de l’Economie et des Finances et du Commerce et de l’Industrie ont sorti finalement un avis confirmant la fixation de nouveaux prix du carburant sur le marché haïtien. Il faut dire que depuis quelques mois déjà, le gouvernement avait annoncé qu’il réviserait les prix des produits pétroliers à la hausse. Toutefois, il craignait les conséquences politiques et sociales que cette augmentation des prix à la pompe pourrait avoir sur une population déjà à faible revenu face à des produits de plus en plus chers. Bref, le gouvernement était en train de revoir sa stratégie, réviser ses cahiers, pour sortir enfin cette note cette semaine.
En effet, le gallon de gazoline est passé de 200 gourdes à 215 gourdes soit une augmentation de 7,5%. Le gasoil encore appelé Diesel est passé de 160 gourdes à 177 soit une hausse de 10,6% et le kérosène est passe de 161 gourdes à 171 soit une croissance de 6,2%. Des prix qui vont être effectifs à partir de demain 10 octobre.
Maintenant, regardons à partir d’une certaine analyse quelques détails sur les structures des prix de ces produits pétroliers.
Cette analyse va nous permettre de voir comment le total de 215 gourdes est déterminé pour la gazoline par exemple. Partons du prix CIF qui est 137 gourdes 69. A noter que CIF en anglais est le « Cost Insurance and freight », ce qui se traduit en français par Cout assurance et fret. Ce qui veut dire un prix comprenant les coûts nécessaires à l’acheminement jusqu’à la frontière nationale. Ce qui est différent du prix FOB. Un peu plus loin, ajouté aux frais financiers, le total de la valeur en douane est devenu 143 gourdes 89. Maintenant après avoir appliqués les droits de douanes, les frais portuaires et autres, ce montant est devenu 185 gourdes 21. Ce qu’on appelle prix ex-douane. Donc au final en tenant compte des marges des compagnies qui sont de 12 gourdes par gallon, marge distributeur qui est 15 gourdes 21 par gallon sans compter les frais de transports, cela donne 215 gourdes de total, qui est le nouveau prix qui va être appliqué dès demain comme nous venons de le mentionner.
En ajoutant 15 gourdes sur le gallon de la gazoline, il est clair, que le gouvernement a adopté une approche graduelle pour la hausse des prix pour arriver à réduire et éventuellement cesser la subvention de carburant sur le marché haïtien. Donc nous devons nous attendre à de nouvelles dispositions dans les mois qui viennent pour d’autres augmentations. C’est une façon pour le gouvernement d ‘amortir les effets néfastes de la hausse des carburants, en tant que produit stratégique à impact transversal, qui peut faire augmenter le prix d’un bon nombre d’autres produits notamment les produits alimentaires et le transport en commun.
Comme la ministre de l’économie et des finances, Marie Carmelle Jean Marie l’avait déjà dit il y a de cela quelques mois : ‘L’Etat est contraint de modifier les prix à la pompe, car nous ne pouvons pas utiliser toutes les ressources du pays pour financer uniquement le secteur énergétique, à savoir les prix à la pompe et l’électricité. La population doit assumer sa part de responsabilité dans la marche du pays.“
Comme nous l’avons déjà dit à cet espace, c’est quand même considérable pour un Etat reconnu techniquement en faillite et qui enregistre des déficits budgétaires chroniques de prendre cette charge sur son épaule à savoir la subvention du carburant, qui déjà était vendu à plus de 50 gourdes de moins le gallon par rapport à la République Voisine.
Il faut rappeler que selon les chiffres du ministère de l’Economie et des Finances les pertes de recettes dues à la subvention des produits pétroliers sont dans l’ordre de 17.1 milliards de gourdes sur 4 ans, soit entre 2009 et 2013. De manière détaillée, l’Etat haïtien a enregistré une perte de recettes de 1.08 milliards de gourdes (2009-2010), 4.44 milliards de gourdes (2010-2011), 4.71 milliards de gourdes (2011-2012), 6.89 milliards de gourdes (2012-2013). Donc, l’Etat haïtien, à travers ces nouvelles dispositions, ne veut plus continuer à enregistrer ces pertes.
Bref, nous sommes devant un fait, les risques de hausse des prix dans l’économie sont éminents, le niveau de vulnérabilité des familles va s’aggraver, mais en même temps, l’Etat veut réduire ses pertes pour avoir plus de ressources. Entre autre, le gouvernement veut rester également cohérent avec ses prévisions budgétaires, vu que le budget soumis avait déjà prévu un montant que l’Etat devrait gagner en cessant de subventionner le carburant. 15 Gourdes de plus sur un gallon peut paraître insignifiant, mais, il ne l’est pas quand vous achetez des gallons, et surtout quand on sait qu’à l’avenir, forcément que les prix vont encore augmenter suivant cette stratégie de hausse graduelle. Mais il y a t- il suffisamment de mesures d’accompagnement par rapport à ces dispositions ? Il faut suivre dans les prochains jours et les mois à venir ce qui va se passer en terme de conséquences de ces nouvelles dispositions du gouvernement de réviser à la hausse les prix des produits pétroliers sur le marche haïtien, dans un contexte déjà très difficiles pour la majorité des familles haïtiennes.
Etzer Emile, M.B.A
Economiste
Radio Vision 2000
