Il y a 100 ans, la Première guerre mondiale dans l’océan Indien. Episode 3/5

Alors que le monde entier commémore le centenaire de la Première guerre mondiale, le Journal de Mayotte vous propose de (re)découvrir le conflit comme l’ont vécu nos ancêtres de l’océan Indien. C’était chez nous, il y a 100 ans.

3e épisode : L’enfer sur le front

7e bataillon de tirailleurs malgaches gardant un dirigeable dans l’Oise (Crédits photo : Charles Commessy/Archives départementales de l’Oise. Tous droits réservés. FRAD60 5Fi641)

En 1915, le sort réservés aux Réunionnais et aux « Malgaches » qui se sont engagés n’est pas le même. Si les soldats réunionnais sont intégrés dans les unités métropolitaines, les « malgaches », dont font partie des Comoriens et des Mahorais, constituent des régiments particuliers. Environ 40% d’entre eux sont d’abord utilisés comme ouvriers. Certains vont travailler sur les voies ferrées et les tranchées, d’autres en tant qu’infirmiers des unités combattantes. Mais la majorité est envoyée au front, comme les soldats intégrés dans le 1er bataillon malgache ou le bataillon des tirailleurs somalis qui connaissent de lourdes pertes.

Ces soldats en provenance de l’océan Indien bénéficient au plus haut sommet de l’Etat et de la hiérarchie militaire d’hommes qui connaissent les colonies. Joseph Gallieni, Hubert Lyautey et l’amiral Lucien Lacaze font en sorte que les troupes coloniales ne passent pas les premiers hivers au combat. Ces hommes qui ne sont pas habitués à porter des chaussures ne peuvent rester dans des températures qui descendent à -10°. Durant quelques mois, ils seront ramenés à Bordeaux ou Fréjus. C’est ce que l’on appellera, pendant la seconde Guerre mondiale, le « blanchiment » de l’armée pendant l’hiver.

Des semaines dans une boue glaciale

7e bataillon de tirailleurs malgaches dans l’Oise (Crédits photo : Charles Commessy/Archives départementales de l’Oise. Tous droits réservés. FRAD60 5Fi648)

Cette attention particulière ne concerne pourtant pas tous les hommes. Sur le front des Alpes Dinariques (en ex-Yougoslavie) des soldats des bataillons coloniaux meurent de froid ou sont amputés de leurs orteils gelés. Sur le front de Salonique (en Grèce) où sont envoyé 30% de ces soldats, le front ne connait pas de répit.

Mais quand vient l’heure de Verdun, peu importe le climat. En 1917, la guerre est totale, tout le monde doit être au front, dans la boue, le froid, sous les obus et les gaz… C’est l’enfer des tranchées. La bataille de Verdun est une des pires périodes de la Première Guerre mondiale, elle fera au total plus de 300.000 morts. Les bataillons « malgaches » y sont engagés. Ils participent également à la prise du Fort de Douaumont en octobre 1916 et à la bataille du Mont-de-Choisy en mai 1918.

Les « journaux de marche et d’opérations » retracent jour après jour la vie des régiments : les marches, les attaques, les compagnies qui se terrent. Tout est consigné, souvent méthodiquement, et la grande Histoire se mêle alors aux anecdotes du quotidien, légères ou bien plus difficiles. Mais toujours, entre les lignes, on devine le cauchemar de ces hommes bloqués des semaines entières dans la boue glaciale.

L’angoisse dans l’océan Indien

Dans l’océan Indien, l’angoisse est constante. Les nouvelles en provenance du front sont rares mais à Mayotte, on a installé la TSF (télégraphie sans fil), l’ancêtre des communications radio. C’est ainsi qu’on apprend, en mai 1917, le torpillage du Yara, un paquebot de la Compagnie des Messageries maritimes, par les Allemands. Le drame fait 6 morts réunionnais. Puis le 14 juillet 1918, date symbolique, c’est au tour du paquebot des Messageries maritimes Djemnah, le premier à avoir été réquisitionné. Le 5 octobre 1918, on annonce la mort de Roland Garros. A l’issu d’un combat acharné, l’avion du Réunionnais s’écrase dans les Ardennes, à la veille de ses 30 ans.

L’armistice : soulagement et bilan effroyable

Alors, le 11 novembre 1918, quand la nouvelle de la signature de l’armistice arrive, c’est un immense soulagement dans l’océan Indien. À l’annonce de la fin de ce conflit, les Réunionnais laissent éclater leur joie. L’élan patriotique est renforcé, « la patrie a vaincu ». Le journal, « le Peuple » réclame déjà « la départementalisation » du territoire. Dans l’archipel des Comores, la ferveur est moindre, on s’inquiète surtout du sort réservé aux hommes qui sont partis. A juste titre.

7e bataillon de tirailleurs malgaches en 1916-1917 (Crédits photo : Charles Commessy/Archives départementales de l’Oise. Tous droits réservés. FRAD60 5Fi705)

Avec la fin du conflit, c’est l’heure du bilan. Pour les hommes de l’Océan Indien mobilisés et envoyés au front, il est terrible. Sur les 14.423 Réunionnais incorporés, appelés ou engagés volontaires, 1.698 sont morts au champ d’honneur auxquels se rajoutent les disparus et morts par maladie. On estime à 3.000, le nombre de Réunionnais qui ne sont jamais rentrés.

Dans la colonie de Madagascar et dépendances, ce sont entre 2.400 et 3.000 hommes sur les 34.000 envoyés au front qui ont laissé leur vie. Dans la « Province des Comores », on sait qu’au moins une quinzaine de Mahorais et une centaine de Comoriens sont morts pour la patrie. Les colonies françaises de l’océan Indien ont donc perdu près de 6.000 hommes dans ce conflit pourtant si lointain.

Les hommes vont bientôt rentrer. Ils ne le savent pas encore mais leur retour va être synonyme d’un nouvel enfer. RR Le Journal de Mayotte avec les Archives départementales de Mayotte

Demain : Il y a 100 ans, épisode 4/5. La fin du conflit et le retour, un nouvel enfer

A Lire : Episode 1/5 : Il y a 100 ans. Vivre à Mayotte, Province de la colonie de Madagascar Episode 2/5 : La mobilisation des soldats et le départ pour l’Europe

Le Dossier « Mayotte et sa région dans la Grande Guerre » édité par le service éducatif des Archives départementales sous la responsabilité du conseil général de Mayotte est toujours proposé à la vente.

Les documents photographiques ont été gracieusement mis à disposition par les Archives départementales de l’Oise (Tous droits réservés).

Le JDM remercie également l’historienne Isabelle Denis pour ses connaissances précieuses.

Source : http://lejournaldemayotte.com/une/il-y-a-100-ans-la-premiere-guerre-mondiale-dans-locean-indien-episode-35/

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