Il y a 100 ans, la Première guerre mondiale dans l’océan Indien. Episode 5/5
Alors que le monde entier commémore le centenaire de la Première guerre mondiale, le Journal de Mayotte vous propose de (re)découvrir le conflit comme l’ont vécu nos ancêtres de l’océan Indien. C’était chez nous, il y a 100 ans.
Dernier épisode : La mémoire
L’imposant monument aux morts de Tananarive(Crédits photo : Archives départementales de Mayotte/N. Iline. Tous droits réservés)
La mémoire, c’est l’ultime bataille héritée de la Première Guerre mondiale. Dans notre région, dès 1919, les monuments aux morts se multiplient sur l’île de La Réunion. A l’image des communes métropolitaines qui rendent hommage à leur très nombreux morts, Saint-Denis, Saint-Pierre, Saint-Louis ou encore Sainte-Suzanne érigent ces stèles monumentales, permettant aux forces militaires et à la population de se recueillir sur un lieu de mémoire. Mais cette situation est une exception dans la région.
Comme la plupart des troupes coloniales françaises, les soldats de l’océan Indien n’ont pas tous reçu la reconnaissance qu’ils méritaient. Aujourd’hui, il est bien difficile de retrouver l’identité des soldats malgaches, comoriens et mahorais et leur village d’origine.
Le travail de recherche effectué par des historiens ou par les archives départementales de Mayotte n’a permis d’identifier que très peu de Mahorais morts pour la France. On connaît par exemple un dénommé Moussa Mourabas, originaire de Mtsapéré, tombé en Métropole. Mais les chercheurs sont loin de pouvoir mettre des noms sur les 1.300 hommes de l’archipel des Comores partis au front et la centaine d’entre eux disparus en Europe.
Un monument à Tananarive
Cette mémoire défaillante se reflète dans les monuments. La province des Comores figure sur l’impressionnant monument aux morts achevé au Lac d’Anosy à Tananarive en 1936, 18 ans après la fin du conflit. Mais aucun nom n’est inscrit, rien qui n’indique nominativement ceux qui ont laissé leur vie dans la Grande guerre. Sur le vaste monument malgache, on ne trouve en effet qu’une seule mention « Les Comores ».
L’explication est peut-être à trouver du côté de la culture et de la religion. Traditionnellement en effet, sur les sépultures musulmanes ne figurent aucun nom. Le souvenir s’éteint ainsi doucement lorsque disparaissent à leur tour ceux qui les ont connus.
Mayotte a oublié
Des monuments plus récents ont été érigés en Métropole rendant hommage aux troupes coloniales dont le rôle fut essentiel dans la victoire des Alliés. C’est le cas par exemple à Fréjus (mémorial de l’Armée noire) ou encore à Douaumont (monument à la mémoire des soldats musulmans morts à Verdun). En 1952, le centenaire de la médaille militaire est aussi dignement fêté aux Comores où le bataillon somali n’a pas été oublié.
A Mayotte, Place de France à Dzaoudzi, il a fallu attendre les années 1930 pour qu’un monument aux morts soit érigé, un hommage « à tous les morts ». Longtemps, la population est venue en masse, en particulier le 11 novembre participer aux célébrations. On prenait la barge et on marchait, parfois de très loin, vêtu d’une belle tenue. Et puis, cette habitude s’est perdue.
Pour nos arrières-grands pères
Aujourd’hui, ce sont les autorités politiques et institutionnelles qui forment l’essentiel des participants à ces cérémonies, comme le 11 novembre dernier. Il est en effet pas aisé de mobiliser pour venir se recueillir devant ces stèles. En 2014, il est si difficile d’imaginer ces jeunes hommes tombés, si loin en Europe, il y a si longtemps. Ce sont pourtant nos aïeux qui après avoir connu l’enfer, n’ont jamais pu trouver le réconfort d’un retour chez eux.
100 ans après le début du conflit, les cérémonies du souvenir vont se multiplier tout au long des mois et des années à venir. Dans notre département, peu de personnes connaissent et s’intéressent à l’Histoire. Mais à Mayotte comme ailleurs, nous devons tous participer à ce travail de mémoire, un souvenir simple que l’on doit nos arrières-grands parents. RR Le Journal de Mayotte
LIRE AUSSI : Episode 1/5 : Il y a 100 ans. Vivre à Mayotte, Province de la colonie de Madagascar Episode 2/5 : La mobilisation des soldats et le départ pour l’Europe Episode 3/5 : L’enfer sur le front Episode 4/5 : La fin du conflit, le retour des soldats
Le Dossier « Mayotte et sa région dans la Grande Guerre » édité par le service éducatif des Archives départementales sous la responsabilité du conseil général de Mayotte est toujours proposé à la vente.
L’image du monument de Tananarive a été gracieusement mises à disposition par les Archives départementales de Mayotte (Tous droits réservés).
Le JDM remercie également l’historienne Isabelle Denis pour ses connaissances précieuses.