LA FIN D’UN FANTOCHE QUI JOUAIT AU MARIONNETTISTE

Après Dieu est mort.

Il est toujours malsain de s’acharner sur un cadavre.

Ce n’est pas le faire que de corriger les medias étrangers qui écrivent « le président » sans ajouter le « de facto » qui fait la différence entre une autorité légitime et un pouvoir inconstitutionnel, corrompu et sanguinaire.

Ce n’est pas le faire que de dire qu’il avait, utilisant les armes de la police et des gangs, laissé verser le sang des innocents dans les quartiers populaires terrorisés, qu’il avait détruit ou réduit à des peaux de chagrin toutes les institutions, qu’il avait affiché un mépris total envers les Haïtiens dans leur ensemble, se reposant sur le support de telle ambassade et des institutions internationales.

Je n’applaudis pas à son assassinat. J’ai acquis le droit de le dire. Parce que je n’avais pas applaudi à ceux des opposants, des militants, des journalistes tués par ses « partisans » et ses sbires. L’ironie, c’est que, se prenant pour Après Dieu, il n’avait en réalité de pouvoir – et il l’exerçait sans retenue – que sur ceux qui ne possèdent ni armes ni argent. Quelqu’un (ou plusieurs quelqu’un) possédant armes et argent, capable d’engager des mercenaires, a décidé de le tuer. Pour ses serviteurs zélés, y compris les officiers de la police, de l’USGPN en particulier, transformés en monstres, Il fut moins facile de le protéger que de tirer à vue sur des foules sans armes.

Lutte de clans ? Cartel ? Biens mal acquis mal partagés ? Analyse cynique de membres d’un secteur qu’il a soutenu et qui l’a soutenu, réalisant que dans sa dérive autoritaire il mettait en danger leur pouvoir économique et leur survie ? Comment savoir ?

Pauvre fantoche qui se prenait pour un marrionnettiste.

Ce qui est certain, ses assassins, ce ne sont pas les gens qui manifestaient dans les rues depuis le 7 juillet 2018. Ce ne sont pas les militants de base sur lesquels ses hommes tiraient allègrement. Ce ne sont pas les jeunes qui organisaient des sit-in pacifiques brutalement réprimés par « la police ». Ce ne sont pas les partis et regroupements politiques qui cherchaient, parfois maladroitement, un accord politique pour une sortie de crise. Ce ne sont pas ses victimes ni les analystes et les citoyens qui disaient à ceux qui le soutenaient que cette lutte à mort qu’il avait engagée contre le pays pouvait le conduire à sa fin.

Dans sa dérive autoritaire, il s’était engagé contre la volonté majoritaire, dans une lutte qu’il ne pouvait gagner. Il avait ainsi opéré un suicide symbolique. Quelqu’un, possiblement parmi ses proches et ses alliés, a pris peur ou a pris les devants pour essayer de contrôler l’après. C’est un crime qu’on ne peut défendre. Mais qu’on ne vienne pas dire que c’est un crime contre la démocratie. Les crimes contre la démocratie se sont étalés sur dix ans de règne du PHTK et ont augmenté en nombre sous sa direction personnelle. Ses crimes contre la démocratie, gabegie, assassinats, destruction des institutions, folie dicatoriale, sa mort, pour odieuse qu’elle soit, ne viendra pas les effacer.

Les dictateurs, même après avoir été populaires un temps, meurent souvent seuls. Lui n’a jamais été populaire. Il meurt donc plus seul que les autres. Il n’était ni un doctrinaire ni un réformateur. Pour le peuple, qui pleure encore Montferrier Dorval, Marie-Antoinette Duclaire, les victimes des massacres de la Saline, du Bel Air, de Delmas…, Jovenel Moïse ne vaut pas une larme. L’inquiétude est que ses assassins et les forces nationales et internationales qui le soutenaient ne profitent de sa mort pour empêcher que le peuple haïtien, au bout d’une nécessaire transition de rupture, exprime enfin ses choix et sa volonté dans des élections dignes de ce nom. Le combat, pour Haïti, reste le même.

Ce ne sont pas les vrais démocrates dont il était l’ennemi qui l’ont tué. Nous, nous le voulions jugé ici.

LYONEL TROUILLOT

jeudi 8 juillet 2021

Source : http://www.radiokiskeya.com/spip.php?article11061

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