Le système de santé et d’accès aux soins à Mayotte à bout de souffle
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C’est à un véritable « diagnostic santé » que se livre Anchya Bamana cette semaine dans le cadre de ses fonctions à l’Assemblée nationale en tant que rapporteur du volet Santé. Après avoir visité les maternités du centre et du sud de l’île, rencontré plusieurs associations et élus locaux, ce sont la maternité et les urgences du CHM de Mamoudzou qui ont fait l’objet de son regard scrutateur ce mercredi 25 septembre. Un autre regard, neuf celui-ci, s’est également porté sur ces services : celui de Yoann Gillet, le député RN du Gard, chargé d’établir un rapport pour le budget des Outre-mer 2025. Présent depuis ce lundi dans l’île, il a déclaré que « Mayotte est un bijou largement oublié par Paris » et estimé « qu’il manque une vision stratégique de développement de l’île ».
Avec deux député RN en visite au CHM, la question migratoire n’a pas manqué d’être évoquée. « Depuis que je suis ici, je n’ai entendu personne sous-estimer le rôle de l’immigration clandestine massive dans les problèmes que rencontre l’île », s’est étonné le député du Gard, habitué à davantage de divergences de points de vue dans l’Hexagone. « Ceux qui veulent se donner bonne conscience en estimant qu’il faut accueillir tout le monde ne se rendent pas compte que c’est en faisant cela qu’on fait preuve d’inhumanité. Cela créé de la misère, précarise notre population et encourage les morts en mer, un phénomène d’ailleurs malheureusement devenu banal entre Mayotte et les Comores », a-t-il poursuivi. Pour lui, l’éternel problème diplomatique entre La France et les Comores ne jouerait d’ailleurs aucun rôle dans le peu d’empressement de l’Etat à investir à Mayotte puisque, à son sens, « l’Etat n’investit pas davantage dans les autres Outre-mer ».
La plus grande maternité d’Europe
Les deux députés ont commencé par visiter la maternité de Mamoudzou qui, avec ses 10.000 naissances par an, est la plus grande d’Europe. « 70% des enfants naissent de femmes comoriennes », rappelle Mohamed Zoubert, le directeur de cabinet du CHM. « Notre hôpital prend en charge toute la région », estime quant à elle Anchya Bamana, qui est revenue à de nombreuses reprises sur la nécessité d’agir contre l’immigration clandestine qui empêcherait notamment les Mahorais de se faire soigner à Mayotte. « Beaucoup sont contraints de se déplacer en métropole ou à La Réunion », a-t-elle affirmé. Elle s’est également insurgée contre la fermeture récente de 2 maternités périphériques due à un manque de personnel. « Nous avons moins de 7 médecins alors que 17 postes sont budgétés », explique le Dr Madi Abdou, obstétricien au CHM et chef de pôle de la maternité. Les sages-femmes sont également en sous-effectif, puisqu’elles ne sont que 90 (70 en juillet/août et à Noël) alors qu’elles devraient être 170 pour que le service fonctionne correctement.
Lors de cette visite, la question de la politique d’attractivité a été soulevée, notamment parce que les personnes venues faire de courts remplacements sont beaucoup mieux payées que celles qui restent sur le long terme à Mayotte. « Certains partent pour revenir avec la réserve sanitaire », révèle une sage-femme du service. En 15 jours, une sage-femme de la réserve sanitaire touche 4.500 euros, soit près de 2 fois le salaire mensuel des sages-femmes installées sur l’île. De quoi en effet se poser des questions… Malgré un matériel moderne, parfois davantage même que dans l’Hexagone, l’afflux de patientes ne permet pas à la maternité de les accueillir dans de bonnes conditions. La plupart sont 3 par chambre. « La campagne 1,2,3, bass ! dans les années 2000 avait permis de stabiliser la natalité, mais elle est remontée en flèche avec l’immigration clandestine. Nous allons d’ailleurs sans doute bientôt dépasser les 10.000 naissances par an », révèle Mohamed Zoubert.
Une situation catastrophique aux urgences
Aux urgences, où les deux députés se sont rendus ensuite, la situation est encore plus préoccupante : seuls 3 médecins y travaillent sur les 30 normalement prévus. « Les médecins généralistes sont contraints de venir nous aider, sinon on n’arriverait pas à tourner du tout », révèle Magda Jacazec, urgentiste depuis 2007 à Mayotte. « Avec une situation comme ça, en métropole, on fermerait », affirme Pierre Giron, l’adjoint au directeur des soins du CHM. « Ce sont de grosses tensions relationnelles et un manque flagrant de considération qui ont conduit à cette situation depuis environ 1 an, car tout le monde est parti ! », estime l’urgentiste.
La ligne SMUR de Mayotte a été fermée, la moitié des appels étant redirigés vers La Réunion. « Ça se passe très mal, car il n’y a plus de médecins ! », ne s’est d’ailleurs pas gêné d’affirmer un agent régulateur du service. « Comme, en plus, on doit traduire, on passe beaucoup de temps au téléphone et de grosses urgences comme des arrêts cardiaques peuvent être ratées ! », déplore-t-il en ajoutant qu’en 15 ans de travail dans ce service, « il n’avait jamais vu ça ».
« Comme les cadres règlementaires ne sont pas posés, les payeurs ne veulent plus payer », lâche Pierre Giron, qui estime également que les changements trop fréquents de ministre de la Santé ces dernières années ont empêché la réalisation des projets de réforme. « Les nouveaux ministres ne reprennent pas les projets des anciens donc rien n’aboutit », analyse-t-il. A l’issue de la visite, Yoann Gillet a estimé « qu’il fallait tout retravailler de A à Z » car « en tant que Français, les Mahorais doivent pouvoir bénéficier de la solidarité nationale ». Quant à Anchya Bamana, elle a décrété vouloir particulièrement travailler sur la politique d’attractivité, ayant été choquée par les informations obtenues lors de cette visite.
N.G
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