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L’épave de l’hydravion Catalina retrouvée dans le lagon

Le 8 septembre 1942, un Catalina L/209 se crashe dans le lagon. En septembre 2013, l’épave est retrouvée par des plongeurs de Jifmar… Une découverte qui replace Mayotte au cœur de la 2ème Guerre Mondiale.

Arrière du fuselage

Arrière du fuselage

Sous le titre « Le crash du Catalina L/209 : un accident exceptionnel pour Mayotte au cours de la Seconde Guerre Mondiale », l’historienne* Isabelle Denis nous fait revivre tout un pan de l’histoire de Mayotte, Mayotte la britannique, beaucoup moins connue…

« En 1939, Mayotte ne fait partie d’aucun plan de défense. On s’accorde sur l’importance de Madagascar. Et pourtant. La Grande-Bretagne, principale puissance coloniale et commerciale dans l’océan Indien, contrôle des points stratégiques comme le Cap de Bonne Espérance, Aden, l’Inde, Ceylan (Sri-Lanka), et Singapour ainsi que les voies de communication comme le canal de Mozambique et celui de Suez et met en place un réseau de petites bases aux Seychelles, aux Maldives et à Diégo Garcia ; mais entre cette zone et l’Afrique du sud, le dispositif est très faible. La guerre sous-marine fait rage, les sous-marins allemands torpillent les navires de commerce dans le canal de Mozambique.

L’opération Ironclad sur Diego Suarez du 5 au 7 mai 1942 ne suffit pas à interrompre le torpillage des bâtiments. Entre mai et juin 1942, pas moins de douze navires ont été endommagés ou coulés. Pour patrouiller dans le nord du canal de Mozambique, il faut donc une base relais au sud des Seychelles entre Diego-Suarez et Mombasa.

Intérêt stratégique de l’île

Aile droite

Aile droite

Le plan d’eau du lagon Est de Mayotte, bien connu des Anglais, est conquis par une opération militaire en deux temps : l’opération Cut du 22 juin 1942 puis l’opération Throat : la capture de l’île Mayotte le 2 juillet 1942. L’île présente des intérêts militaires : un terrain d’atterrissage au sud de Pamandzi, une radio à Dzaoudzi et des mouillages abrités utilisables par la marine et les hydravions entre le récif oriental et la Grande Terre.

Désormais, les forces britanniques vont occuper l’ile de Mayotte durant le reste de la Seconde Guerre mondiale. Dzaoudzi devient le quartier général militaire britannique et rappelle ce que fut Dzaoudzi au début de la colonisation française à partir de 1843.

Deux « pistes » maritimes sont balisées sur le lagon en raison des moussons et des courants à l’intérieur du récif. L’une d’elle, d’orientation méridienne le long de Pamandzi entre Mbouzi et Dzaoudzi, est utilisée lors de la saison sèche entre mars et octobre. Les deux sont aménagées avec trois balises flottantes distantes de 500 yards chacune, éclairées lors des manœuvres nocturnes. Chaque piste avait une longueur de 1500 mètres environ. Mais lorsque la mer était trop calme, ces pistes devenaient trop courtes et les hydravions pouvaient rester « scotchés » sur le lagon et entrainer un accident fatal.

Cinq explosions

Philippe Gimenez (à droite) et Pierre Rizzo

Philippe Gimenez (à droite) et Pierre Rizzo

Le 8 septembre 1942, le Catalina 713-L/209 piloté par le Flight Lieutenant J.R Wyllie se crashe peu après avoir décollé à 4h19 du matin, soit après un décollage nocturne. Il avait utilisé la voie méridienne le long de Pamandzi et décollé plein nord en direction de l’îlot de Mognaméri. Le temps était beau et chaud, la visibilité bonne (8-10 milles). Le moteur du Catalina 713 fonctionnait doucement (peut-être trop) et peu après ce qui devait être la dernière balise, la lumière de la queue de l’appareil s’est éteinte et le moteur s’est coupé.

Quelques secondes plus tard, cinq explosions ont pulvérisé l’appareil qui prit feu. Seuls quatre des neufs corps seront repêchés le lendemain. La commission d’enquête, constituée des trois principaux officiers : le Wing Commander Drew, le Leader d’escadron Barraclough et le Flight lieutenant Fitzpatrick, conclut à une erreur de pilotage.

Ce premier accident grave rappelait à tous, que c’était la guerre, même si la base avancée de Pamandzi, pouvait apparaître comme une île corallienne paradisiaque, hors du conflit. Quelques facteurs peuvent avoir contribué à ce crash : l’absence de balisage en septembre 1942, le filtrage manuel des 1459 gallons d’octane 100 et le ravitaillement manuel de chaque hydravion au moyen de jerricanes de 4 gallons. Le rapport d’enquête n’explore pas ces pistes. »

« Deux ailes par 20 mètres de fond »

Bathymétrie: les deux ailes (sur fonds turquoises) de 25 mètres et le fuselage en haut à gauche (bleu) dans les fonds de 30m

Bathymétrie : les deux ailes (sur fonds turquoises) de 25 mètres et le fuselage en haut à gauche (bleu) dans les fonds de 30m

Plus de 70 ans après, la société Jifmar, en mission dans le lagon avec la Société de Travaux Maritimes Mahoraise (STMM), effectue des relevés bathymétriques. « Nous utilisons un multifaisceaux en 3D avec un maillage tous les 5 centimètres », explique Philippe Gimenez, chef de base Jifmar et capitaine plongeur.

C’est lui qui va découvrir le premier morceau de l’avion : « j’ai vu les deux ailes à plat à 30 mètres d’écart l’une de l’autre dans les fonds de 20 mètres ». Il fait alors la connaissance d’Isabelle Denis et apprend l’histoire de l’hydravion. Le plongeur repart, appareil de photo en main, pour localiser le fuselage : « il était 100 mètres devant les ailes par fonds de 30 mètres, derrière l’îlot des 4 frères ».

Isabelle Denis explique que l’hydravion appartenait au prestigieux escadron 209 de la RAF. Escadron notamment connu pour avoir contribué à abattre Manfred von Richthofen, le fameux Baron Rouge en 1918, « et coulé dans les eaux islandaises le Bismarck. C’est aussi le premier escadron a avoir été équipé de Catalina venus des Etats-Unis dès 1941 ».

Un accident qui n’a pas remis en cause le rôle de Mayotte dans le dispositif britannique pour l’historienne, puisqu’ « au moins 504 opérations (1008 amerrissages et décollages) ont eu lieu autour de la base de Pamandzi entre juillet 1942 et janvier 1946. 61,3% sont des patrouilles anti-vaisseaux de surface et anti-sous-marins, 16% des escortes de convoi maritime. Le reste est constitué de recherche de survivants en cas de torpillage de navire ou de disparition d’hydravion, de vols de transit entre deux points (souvent l’occasion d’effectuer des balayages anti-sous-marins grossiers d’une zone). Les troupes et les équipes de maintenance quittent Mayotte pour l’Afrique de l’Est et l’Asie. En janvier 1946, la Seconde Guerre mondiale n’est plus qu’un souvenir dans l’île au lagon.

Anne Perzo-Lafond avec Isabelle Denis

Le Journal de Mayotte

* L’auteure a effectué sa thèse de doctorat d’histoire à l’université de Paris-Sorbonne sur le sujet : « intérêts de la France dans l’océan Indien : présence militaire à Mayotte 1841-1945 ». Cet article repose sur ses recherches.

Source : http://lejournaldemayotte.com/societe/lepave-de-lhydravion-catalina-retrouvee-dans-le-lagon/

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