Les réfugiés nucléaires du Pacifique menacés maintenant par le climat
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Nombre des habitants de cet atoll s’étaient réinstallés sur Kili, une île située à 800 kilomètres de là, qui appartient également à l’archipel des Marshall.
Ce bout de territoire de moins d’un kilomètre carré, où vivent un millier de personnes, n’est qu’à deux mètres au dessus du niveau de la mer, donc vulnérable face à la montée des eaux consécutive au réchauffement climatique.
Les habitants disent que le milieu est de plus en plus inhospitalier. Les récoltes sont mauvaises car l’eau de mer imprègne le sol et les réserves d’eau potable. Inondations et tempêtes sont fréquentes.
Lorsque les vagues ont inondé Kili il y a quelque temps, ses habitants "ont pensé qu’ils allaient tous être emportés par la mer", raconte à l’AFP Lani Kramer, conseillère au sein de l’autorité locale de Bikini.
Les gens "ont vu l’eau arriver sur terre et se sont dit que c’était bizarre. En l’espace d’une heure, l’eau leur est arrivée à la taille, ils étaient terrifiés. Certains se sont réfugiés dans l’église située en hauteur".
Les inondations ont "détruit le peu de récoltes qu’ils avaient. Et les gens de Kili sont dépendants de ces petites récoltes", ajoute-t-elle.
Jack Niedenthal, qui joue un rôle d’intermédiaire avec Washington pour le compte des Bikiniens, estime que les Etats-Unis ont le devoir moral de les protéger : leurs ancêtres ont permis aux Américains de mener des essais nucléaires sur l’atoll à partir de 1946, rappelle-t-il.
"C’était la solution des Etats-Unis de nous mettre sur Kili (…) Mais maintenant, on a de l’eau jusqu’aux genoux deux fois par an", dit-il.
Certains Bikiniens veulent s’installer aux Etats-Unis. Les habitants des îles Marshall ont le droit de vivre, de travailler et d’étudier aux Etats-Unis sans visa, mais Jack Niedenthal estime que Washington doit prendre en charge le coût des vols et de leur réinstallation.
Le département d’Etat américain n’a pas dans l’immédiat commenté ces exigences.
En attendant, Jack Niedenthal espère que les grands pays du monde penseront aux communautés des îles Pacifique qui sont en première ligne du réchauffement : "Nous sommes impuissants. Nous ne pouvons rien faire seuls. Nous ne pouvons que demander aux pays plus grands d’agir".
Les malheurs de Kili se reproduisent partout sur les îles Marshall, dont le président Christopher Loeak a prévenu qu’elles ressembleraient "bientôt à une zone de guerre".
Lors de la conférence sur le climat à Paris, il a appelé à l’adoption de mesures très restrictives pour limiter le réchauffement. "Nous nous traînons déjà de désastre en désastre et nous savons que le pire est à venir", a-t-il plaidé.
"Si nous devons remporter la bataille contre le changement climatique, l’ère de l’énergie fossile doit s’achever, pour être remplacée par de l’énergie verte et propre, sans cette pollution au carbone qui nuit à notre santé, empêche notre croissance et étouffe notre planète".
– ’S’accommoder’ d’une météo extrême –
Le nombre de tempêtes qui déferlent sur les îles Marshall croît d’année en année. En 2014 ont été recensées les grandes marées les plus importantes depuis trente ans, contraignant un millier d’habitants à fuir et provoquant plus de deux milliards de dollars de dégâts (1,8 milliard d’euros).
Le changement climatique aggrave également les effets du courant chaud équatorial El Nino dans le Pacifique occidental. Les météorologistes pensent qu’il va ainsi provoquer d’ici peu neuf mois de sécheresse, de Palau aux îles Marshall.
"Nous avons une météo extrême, des inondations sur certaines îles, la sécheresse sur d’autres, de l’érosion marquée, du blanchiment du corail, du sel dans nos récoltes et dans notre eau", énumère le ministère des Affaires étrangères Tony de Brum.
Des scientifiques de Hawaii ont créé un service de prévisions – le système d’observation des îles du Pacifique (PacIOOS) – afin de prévoir les inondations maritimes.
Le lagon d’ordinaire tranquille de Majuro, la capitale des Marshall, s’est déchaîné récemment sous l’effet d’une tempête et les habitants devront s’accommoder de ce genre de situation de plus en plus souvent, prédit Melissa Iwamoto, directrice adjointe du PacIOOS.
"Quand la mer est trop haute, la sécurité des pêcheurs qui quittent le lagon pour aller en haute mer est menacée", ajoute-t-elle. "Les maisons et entreprises peuvent être inondées par l’eau de mer, les routes devenir infranchissables, la piste d’atterrissage inutilisable. C’est la réalité pour les habitants de l’atoll de Majuro".
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