Prison de Saint-Pierre: “On est des délinquants oui, mais on nous traite pire que des animaux”
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Après les syndicats et les élus, ce sont deux prévenus qui ont profité de leur procès et d’un auditoire pour dénoncer les conditions de vie inhumaines qui règnent dans la maison d’arrêt de Saint-Pierre. Ludovic et Valérie comparaissaient ce jeudi devant le tribunal correctionnel pour des violences commises en réunion dans l’enceinte de la prison sur un autre détenu.
Le 30 juin dernier, il s’en est pris violemment à son cousin, également incarcéré, dans la cour de la maison d’arrêt de Saint-Pierre pour défendre un autre détenu plus “faible”, a assuré le prévenu de 32 ans.
Valérie, lui, a donné un coup de pied en pleine tête au détenu alors qu’il se trouvait à terre. Les deux hommes ont reconnu les faits et ont présenté leurs excuses sans compter. Si Valérie, 41 ans, a souhaité au début du procès user de son droit au silence, son cadet, lui, a profité de la parole qui lui était donnée pour s’exprimer.
“On est 12 par chambre dans des conditions sanitaires pas normales. Je vois un psy et prends des médicaments pour dormir. C’est vrai on a déconné, on est des délinquants oui, mais on nous traite pire que des animaux, c’est inhumain ces conditions”, a-t-il plaidé. “Des conditions comme ça c’est interdit normalement”, a ajouté finalement Valérie, galvanisée par le discours de son ami.
“La France a déjà été condamnée pour ses prisons indignes par la Cour européenne des Droits de l’Homme et la Cour de Cassation. Effectivement ce n’est pas normal”, a reconnu le président du tribunal Philippe Bergeron, très pédagogue face à la défiance envers le système et la fatalité éprouvées par les deux prévenus. “Mais cela ne justifie pas, quelles que soient les conditions, de donner un coup de pied à une personne à terre”.
Une tentative d’évasion en “profitant de l’occasion”
Deux autres délits sont reprochés au trentenaire. Quelques mois plus tard, Ludovic s’est à nouveau emporté, “guidé par son impulsivité” et a menacé un surveillant pénitentiaire donnant des détails sur sa vie privée: adresse, voiture… Là, le prévenu n’a pas reconnu totalement les faits.
” Je lui ai mis la pression. Il a voulu me faire rentrer dans le dur”. “Téléphone, promenade, tout ce dont j’ai le droit il me refuse”. Pour lui, il a été “provoqué” et “son impulsivité” a été exacerbée encore une fois par ses conditions de détention et l’attitude du surveillant pénitentiaire. Ludovic est aussi accusé d’évasion en récidive. Si la première fois, il s’était échappé pour pouvoir se recueillir à l’hôpital sur le corps de son enfant décédé et soutenir sa compagne, cette fois-ci il a assuré avoir “profité de l’occasion”. Il nie être à l’initiative du mur d’une cellule gratté et de la serrure forcée à l’aide d’un tube en fer et d’une pierre pour faire levier.
“Je veux bien qu’on dérive aujourd’hui sur les Droits de l’Homme mais ce n’est pas les bons faits”, a fait valoir la défense du surveillant pénitentiaire en rappelant que lui aussi partage ces conditions de travail d’autant plus dégradées “quand on a pas de respect”. Pour la victime, dépositaire de l’autorité publique, menacée d’un délit, la robe noire n’a pas demandé de dommages et intérêts mais 600 euros pour les frais d’avocat engagés.
La procureure Caroline Calbo a elle aussi admis que les conditions de la prison de Saint-Pierre étaient difficiles. “Plusieurs gardes des sceaux sont venus sans qu’aucun projet de nouvelle maison d’arrêt n’ait suivi. Pour autant, les détenus ont des droits et des devoirs”, a-t-elle rappelé. Parce que “le droit doit être préservé en détention”, elle a requis 2 ans de prison pour Ludovic, 6 mois pour Valérie.
Finalement, le tribunal a prononcé une peine de 1 an de prison pour le volubile Ludovic. Il devra également payer les frais d’avocat avancés par la victime. Valérie restera quant à lui 4 mois de plus derrière les barreaux.
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