Quand des travailleurs venus pour 2 mois saccagent la maison louée sur Le Bon Coin
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Gisèle* en a fait la malheureuse expérience. Propriétaire d’une maison dans l’ouest de La Réunion, elle s’est fait avoir par des locataires indélicats venus à La Réunion en tant que travailleurs saisonniers. Une autre propriétaire a eu plus de chance grâce à une mise au point dès le début de la location. Elle s’en tire avec une grosse angoisse.
Fin 2020, une amie joue les intermédiaires et remet les clés à des locataires qui répondent à la petite annonce de location mise sur le site Le Bon Coin. Ces locataires entrent dans la maison le 14 novembre. A partir de cette date, Gisèle est allée de surprises en surprises…
Dans le contrat de location, il était convenu qu’une de ses amies présente à La Réunion s’occupe de l’entretien de la piscine et du jardin. C’est donc grâce à elle qui faisait office de concierge qu’elle s’est aperçue du toupet de ses locataires.
“J’ai loué ma maison à deux couples d’artisans spécialisés dans la rénovation de toitures. Le bail était prévu pour 2 mois en saisonnier meublé. Au bout de 15 jours et à ma grande stupéfaction, mon adresse se trouvait sur leur véhicule professionnel et sur leur site internet, à mon insu”, constate déjà la propriétaire aux premiers jours de la location. Elle n’est pas au bout de ses peines.
“Lors de l’état des lieux de sortie, j’ai récupéré mon logement dans un état déplorable avec de nombreuses dégradations. J’ai donc voulu utiliser le chèque de caution mais celui-ci m’est revenu sans provisions”, déplore celle qui a activé deux plaintes en gendarmerie, la première pour dégradation volontaire et une autre pour chèque de caution sans provisions.
A force de raconter sa mésaventure autour d’elle, Gisèle a eu la certitude qu’elle n’avait pas été la première à s’être fait avoir de la sorte. A commencer par les forces de l’ordre qui n’ont pas été étonnées du récit qu’elle leur livrait. Le phénomène est assez récent à La Réunion. Des travailleurs saisonniers repartent aussi vite qu’ils sont arrivés, non sans laisser quelques ardoises sur leur passage.
Adieu chèque de caution
Dans sa plainte, Gisèle recense l’ensemble des dégâts occasionnés par ces locataires sans-gêne. A la remise des clés le 31 janvier, son amie constate que le système de nage à contre-courant est arraché, un carreau de la piscine est décollé, la housse de tête de lit est comme javellisée, décolorée. Les fermetures éclairs des housses de sofa et transats sont cassées, un mur fissuré par un dégât des eaux, du carrelage rayé, du fil de linge arraché, une serviette de bain a disparu, de la vaisselle est brisée (des verres, des ramequins, une tasse), le système d’éclairage qui fonctionnait en domotique est cassé tout comme un pied de lit, une latte de sol est arrachée, des éléments de décoration sont détériorés, un mur a été sali et, enfin, un écran plasma a été fissuré. Un beau palmarès pour deux mois et quinze jours de location. Mais ce n’est pas fini…
Pour couronner le tout, la propriétaire n’a vraiment que ses yeux pour pleurer. Ses locataires ont pris soin de laisser un chèque de caution sans provision. Valeur : 3.000 euros tout de même, à la hauteur du standing de cette villa dans l’ouest. Et encore, cette somme était loin de couvrir le montant des dégâts estimé à 9.200 euros.
Six mois de “vendange” à La Réunion…
Le profil de ces locataires qui appliquent la politique de la terre brûlée finit par se savoir à La Réunion. Les particuliers qui mettent en location et les agences se parlent. “Elles finissent par refuser les demandes de location des gens du voyage, au vu des nombreux soucis rencontrés par le passé” avec ces travailleurs qui ne sont à La Réunion que pour quelques mois, “de novembre à avril selon leurs dires”, profitant le plus souvent d’une saison hivernale métropolitaine assez faible en activités.
Après cette expérience malheureuse, qui lui vaut de coûteuses réparations dans sa maison mais aussi l’obligation de remplacer du mobilier abimé, Gisèle “souhaite mettre en garde les Réunionnais contre ce type de locataires, que ce soit pour un logement ou pour la réalisation de travaux. Attention à ne pas se faire berner par ces voyous”, tient-elle à faire savoir.
La location touristique se transforme en location industrielle
Si Gisèle n’a pas eu beaucoup de chance alors qu’elle n’en était qu’à sa troisième location en saisonnier, Pascale* s’en sort beaucoup mieux. Elle aussi a loué un logement de son parc locatif à une famille de saisonniers. Eux étaient spécialisés dans l’entretien des piscines. Mais ça, elle ne l’a su qu’après coup.
“Quand l’agence m’a informée d’une location pour un mois, elle m’a dit qu’il s’agissait d’un restaurateur qui venait avec sa femme enceinte et ses beaux-parents. Au final, ils ont fait venir un container plein de bidons de chlore sur mon terrain” (nos photos ci-contre, ndlr), raconte Pascale qui loue son bien immobilier via une agence.
“La location saisonnière, ce n’est pas fait pour de l’entreposage de bidons de chlore… Je suis arrivée une heure après le début de la location et tout était déjà chamboulé chez moi. Ma brouette était dans la rue, la poubelle aussi, mises n’importe comment. J’ai immédiatement fait passer le message à mon agence et je leur ai dit que je savais comment ça s’était passé chez une précédente propriétaire (le cas évoqué plus haut, ndlr), donc ils ont fait un effort je suppose”.
C’est sans doute à ce prix, avec une vigilance de tous les instants, que Pascale a vu sa maison finalement épargnée par les dégradations. “Je compte les jours”, nous disait-elle début mars, avant la libération des lieux survenue le 19. “J’étais impatiente d’arriver à la fin de la période de location”, souffle-t-elle fin mars après avoir eu connaissance des dégâts occasionnés chez Gisèle. Les deux propriétaires ne se connaissaient pas avant de vivre cette mésaventure.
Le locataire conteste et renverse l’accusation
Face aux deux plaintes qui ont été déposées contre lui, l’artisan qui louait chez Gisèle s’est attaché les services d’une avocate, en métropole. L’artisan a pignon sur rue en Loire-Atlantique durant l’autre moitié de l’année.
Dans un courrier adressé à Gisèle, son conseil juridique balaye d’un revers de main la quasi totalité des faits reprochés. Si les locataires reconnaissent quelques petites dégradations sur le mobilier, l’avocate exploite la faille du droit à l’intimité de son client et de sa famille pour contrer l’affirmation selon laquelle ils auraient été plus nombreux à investir la villa.
Il faut dire qu’en l’absence d’un constat d’huissier qui aurait mis tout le monde d’accord, la propriétaire ne pourra en effet prouver que sa location a pu être occupée par plus de personnes que prévu. Les locataires contestent, enfin, le montant des dégâts chiffrés par la propriétaire. Là aussi, l’amie de la propriétaire a établi un état des lieux de sortie mentionnant une bonne partie des objets dégradés. Un document que le locataire a signé également. Mais Gisèle a tenté d’inclure d’autres dégâts aperçus après cet état des lieux. Une démarche unilatérale que l’avocate de la partie adverse n’a pas manqué de souligner. Autant dire que Gisèle n’est pas prête de voir ce contentieux se régler à son avantage.
Elle nous partage même le sentiment de passer du statut de victime à celui d’accusée. “Le courrier de leur avocate ne m’impressionne pas. Elle aura du mal à expliquer pourquoi son client a fait opposition sur le chèque de caution en prétextant une perte de chèque, ce qui est interdit”, pointant l’une des seules failles décelées à ce jour.
Une petite victoire face à la mauvaise foi de locataires qui font preuve d’un toupet assez remarquable. L’enquête a été confiée à la brigade territoriale de gendarmerie de Saint-Gilles.
* prénoms d’emprunt
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