« Quand je suis sortie du bateau, je ne savais pas où aller »
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Le 19 août dernier, une OQTF (Obligation de quitter le territoire français) a été émise à l’encontre de Saandia Rakib, alors qu’elle entamait ses démarches pour faire valoir son droit à l’obtention de la nationalité française. Depuis, elle vit aux Comores qui lui sont complètement inconnues, séparée de ses six enfants.
Cela fait plus d’un mois que Saandia Rakib n’a pas vu ses enfants. Née le 27 juin 1997 à Mamoudzou, de parents comoriens, la jeune femme n’avait jamais mis un pied aux Comores avant le 19 août dernier, jour où elle a été interpellée par la police aux frontières et expulsée vers Anjouan après avoir été l’objet d’une OQTF (Obligation de quitter le territoire français). « Quand je suis sortie du bateau, je ne savais pas où aller, je ne connaissais personne, j’ai dû supplier une dame de m’aider », indique-t-elle au téléphone depuis là-bas. Elle doit depuis placer son sort entre les mains d’inconnus, en espérant que l’aide de ces derniers soit motivée par de bonnes intentions. Une situation « infernale », pour reprendre le mot de Daniel Gros, référent de la Ligue des droits de l’Homme (LDH) à Mayotte, qui dénonce une situation complètement illégale.
Ayant eu 18 ans en 2015, Saandia Rakib a voulu déclarer sa nationalité française selon les dispositions du droit du sol alors en vigueur, l’amendement exigeant qu’un des parents ait séjourné au moins trois mois légalement à Mayotte avant la naissance de l’enfant ne datant que de septembre 2018 et l’effectivité de la loi débutant en mars 2019. Seulement, au moment d’entamer ses démarches l’année de sa majorité, elle découvre que les services de l’état civil de la mairie de Mamoudzou ont égaré son acte de naissance. Munie d’un extrait daté de 2011, elle se trouve dans l’incapacité de compléter son dossier, la validité d’un acte de naissance ne dépassant pas trois mois. « Aucun agent ne s’est soucié du problème, on l’a envoyée balader », affirme le référent de la LDH, qui a dû intervenir pour qu’une demande de reconstitution de l’acte d’état civil soit faite auprès du tribunal. Cette démarche aboutit enfin le 19 juillet 2024 et Saandia Rakib reçoit son précieux sésame le 9 août. Mais dix jours plus tard, alors qu’elle se rend au tribunal pour demander un certificat de nationalité française, elle est interpellée, envoyée au centre de rétention administrative (CRA) de Pamandzi puis expulsée aux Comores, malgré la présentation des différents documents.
« Mes enfants me demandent où je suis »
Dans la nuit du 20 au 21 septembre, ne pouvant plus supporter l’éloignement de ses six enfants, âgés entre 2 et 10 ans, elle tente de revenir à Mayotte sur une embarcation de treize personnes. « Sur le kwassa, je ne voulais plus vivre tellement j’avais peur », confie-t-elle. Arrivée à Bouéni aux aurores, elle et les autres passagers sont immédiatement interpellés. Malgré les efforts de Daniel Gros pour lui trouver un avocat, elle se retrouve à nouveau sur un bateau à midi, direction Anjouan. « Je n’oserai pas retourner prendre le kwassa… », se résout-elle, quelques jours plus tard. La douleur de la mère ne peut néanmoins s’empêcher de ressortir lorsqu’elle évoque ses petits restés chez leur grand-mère, à Doujani, dans la commune de Mamoudzou. « Mes enfants me demandent où je suis, quand est-ce que je rentre… Je veux retourner les voir, être avec eux… Ça me rend malade », déplore celle dont les six enfants détiennent un passeport français. Tous ses espoirs reposent désormais en l’intervention d’un avocat pour défendre son dossier.
Des histoires comme celle de Saandia Rakib, il y en a d’autres, selon le référent de la Ligue des droits de l’Homme : entre documents d’état civil non conformes suite à un nom mal orthographié ou encore ignorance d’un dossier de demande de titre de séjour en cours d’instruction, plusieurs se retrouvent expulsés alors qu’ils ne devraient pas l’être. Il affirme même que des Français se retrouvent expulsés, faute d’avoir eu le temps de présenter leurs papiers d’identité à la police aux frontières. « On laisse rarement le temps aux proches d’apporter les documents au CRA », dénonce celui qui affirme que la préfecture de Mayotte a tendance à délivrer les OQTF sans vérifier si les personnes qui en sont l’objet ont un dossier de demande de titre de séjour en cours d’instruction. Questionnée sur ce point et sur le cas de Saandia Rakib, la préfecture n’a pas souhaité faire de commentaire. Interrogée également, la police affirme que les vérifications sont faites auprès des services de l’État lorsqu’il y a un doute sur le statut de la personne interpellée.
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