La participation, une idée (réunionnaise) vieille de 80 années : déjà, à Londres, Émile Hugot…
Je regarde, moi, avec une moue méprisante ces bc-bg soixante-huitards, socialos en cols de fourrure qui, pour se donner bonne conscience, tapent dru sur les « gros Blancs » en avalant une cuillère de caviar. Je vais citer quatre de ces « gros Blancs » tenus en si haut mépris mais sans qui, qu’on le veuille ou non, La Réunion ne serait pas ce qu’elle est… et qui, eux, n’ont jamais méprisé personne : Émile Hugot, Alexis de Villeneuve, René Payet, Léonus Bénard.
Il est de bon ton, de nos jours, de se réclamer du Général alors que plus personne ne sait au juste ce qu’il a dit ou fait. La participation, notamment. Ah ! la participation, voilà qui va nous redonner un coup de jeune !
La participation, une idée généreuse que De Gaulle n’a pas eu le temps de mettre en oeuvre. Mais sait-on d’où elle est issue, cette idée ?
Nous la devons (mais il n’y a pas qu’elle) à Émile Hugot et elle date de la Seconde Guerre.
Il était si peu pétainiste qu’il a été évacué sur Londres par ce même « Léopard » venu libérer l’île. Soigné au sein des hôpitaux de la France Libre, il peut s’enorgueillir d’une brochette de décorations remises par De Gaulle et bien peu peuvent en dire autant. Voilà ! Je tenais à rectifier ce point d’histoire souvent largué aux oubliettes. Je vais me faire tirer à boulets rouges mais je m’en tamponne, vous savez pas à quel point ; j’ai horreur des maquillages et des maquilleurs de l’Histoire.
Ç’eût été mal le connaître que de croire qu’il aurait passé son temps à se gratter les arpions sur son lit d’hôpital londonien.
Un peu comme un polytechnicien trompant son ennui en faisant des intégrales un dimanche après-midi pluvieux, Émile Hugot, issu d’une famille fortunée mais se foutant du fric comme de l’An-quarante, chercha comment faire pour que le peuple travailleur profite lui aussi des fortunes dégagées par les grosses sociétés capitalistes.
Dans son opuscule « Un grand pas vers l’Égalité et la Fraternité », il écrit en toutes lettres : « Le bénéfice distribuable de l’entreprise étant dû, d’une part au capital, d’autre part au travail du personnel, ce bénéfice doit aller à parts égales au travail et au capital. Ce principe doit être établi par une loi, de préférence constitutionnelle, dans toute la force que représentent, par exemple, les articles des Droits de l’Homme ». Comment le dire mieux ?
Et comment croire que le Général, à Londres, n’ait pas eu vent de ce document ?
Il me semble clair que la participation, un grand principe qui aurait dû être inscrit en lettres d’or au frontispice de l’Humanité depuis la nuit des temps, a été soigneusement enfoui sous le manteau : donner de l’argent aux travailleurs ? Vous rêvez, mon cher !
Jusqu’à ce que De Gaulle, promoteur du vote des femmes, créateur de la Sécurité sociale pour tous, qui a nationalisé le crédit afin que tous les Français puissent accéder aux biens de consommation, frigo, lave-linge, chauffage, se rappelle qu’un certain Émile Hugot, à Londres, en 1943… Émile Hugot a aussi inscrit son nom au chapitre des grands promoteurs de la société réunionnaise avec l’industrie sucrière. Lui qui se rêvait officier de Marine, a pris la succession de papa, créant les Sucreries de Bourbon, une fois de plus, a donné toute sa mesure.
Fort d’une éducation scientifique monstrueuse due à ses études d’ingénieur à l’École Centrale des Arts et Manufactures de Paris (à l’âge de 19 ans !), il cherche à améliorer l’industrie sucrière, pour La Réunion d’abord et plus si affinités. Il n’imaginait certes pas qu’il y aurait tant d’affinités…
Émile a cherché et trouvé comment magnifier la production cannière et sucrière. Ses procédés se sont révélés si novateurs qu’ils ont fait florès dans le monde entier : aujourd’hui encore, l’industrie sucrière mondiale se prévaut d’Émile Hugot ; La Réunion est citée comme un exemple et notre sucre « roux intense » est le meilleur du monde. In « gros Blanc », ça ?
Si grand bourgeois qu’il s’était attiré l’affection de tous les petits colons travaillant sur ses terres ou dans ses usines.
Alexis de Villeneuve s’était surtout attiré l’inimitié, voire la haine de tous les possédants locaux : il fut l’un des premiers à ne pas pressurer les petits colons en exigeant sa part (institutionnelle ou presque) dans le colonat partiaire. Ce « gros Blanc » avait surtout un ennemi juré.
Lorsqu’il se décida à se présenter aux Législatives, ses adversaires, seuls défenseurs des petites gens, cela va de soi, battus d’avance, ne trouvèrent rien de mieux que de l’assassiner !
Ceci dit, ses lubies éloignées, René Payet a cherché et trouvé le moyen d’améliorer le rendement dans les champs et les usines.
C’est lui qui a créé les premiers Decauville sucriers de La Réunion : un système de petits chemins-de-fer acheminant plus vite les cannes vers les usines et diminuant, du même coup, la pénibilité du travail physique des employés agricoles.
Encore un « gros Blanc » ennemi du peuple…
Moi, je suis de la branche pauvre. Sinon, vous pensez bien que je n’aurais pas eu besoin de travailler.
Léonus avait de l’argent, beaucoup d’argent. Propriétaire des usines du Gol, de Pierrefonds et des Casernes, il a abreuvé la commune de Saint-Louis même après en avoir quitté la magistrature. Mais il a fait mieux et ça, c’est ti-Paul Hoareau qui me l’a appris à l’époque du Mémorial.
Durant la Seconde Guerre, à Paris, tonton Léonus aurait pu se retrouver « raflé » en raison de sa franc-maçonnerie. Il a échappé aux sbires de la rue Lauriston et profité de ses accointances chez les Francs-Maçons pour faire parvenir des colis de vivres, de médicaments, de vêtements dans les camps de la mort. Comment ? Mystère.
Ici même à La Réunion, tonton s’intéressait à améliorer les conditions de ses petits colons. Il décelait, dans ces familles, les talents cachés. Et payait de sa poche les études des enfants les plus doués.
Je ne citerai pas de nom… Juste dire que quelques ingénieurs scientifiques très connus lui doivent leur réussite. Dont le dirigeant syndical le plus respecté, à juste titre, qui, lui, n’a jamais jeté l’opprobre sur tonton.
Je sais, je sais… J’ai, comme vous, entendu l’interview de ce gros propriétaire terrien de l’Est. Lui et sa femme regrettaient : « On n’est plus servi ! » Manifestement, pour eux, l’esclavage n’est pas vraiment terminé. Mais ce n’est qu’une exception, merde !
Si quelques « gros Blancs » restent des « gros Blancs », ce n’est pas le cas de tous, loin de là. De surcroît, il y a aussi, chez les soi-disant défenseurs du peuple, des élus en manteau de fourrure, des dirigeants syndicaux en Mercédès ! J’aimerais que les esprits chagrins, experts en moralité sociale, la mettent un peu en veilleuse. Alors, alors seulement on pourra peut-être évoquer un vivre-ensemble qui, pour l’instant, n’est qu’une aimable vue de l’esprit.
Car vous m’interdisez alors, à moi le petit « gros Blanc » pauvre, d’aimer mes amis « gros Blancs » issus de riches. Tout ceci ne m’empêche pas de vous aimer.
Source : https://www.zinfos974.com/Rafraichissons-nos-idees-que-diable-_a195975.html
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