Révision à la baisse des perspectives de croissance d’Haïti : Une Lecture du nouveau budget révisé
Le développement principal de l’actualité économique de cette semaine est le dépôt à la Chambre Basse de la loi de finance révisée pour l’exercice en cours par le ministère de l’économie et des finances. En effet, cette nouvelle démarche du MEF est la conséquence du rejet de la version du projet de budget de 126 milliards de gourdes qui a été soumise par l’ancien ministre des finances Wilson Laleau en septembre dernier. Mais il faut mentionner qu’on est à 5 mois de la fin de l’exercice fiscale en cours, le MEF devrait peut être en train de finaliser ou d’acheminer le budget pour l’exercice 2014-2015. Bref ! On n’est pas encore là.
Maintenant, on va donc tenter de reprendre quelques points clés de ce budget révisé, ou encore de ce projet de budget, notamment la révision à la baisse des perspectives de croissance de l’économie haïtienne comme nous autres nous l’avions anticipé par rapport à ce blocage politique depuis des mois qui a automatiquement des conséquences sur la croissance du pays.
D’abord, voyons les principes de bases ou les fondements de ce budget selon le gouvernement. C’est un budget basé sur la rigueur et la discipline budgétaire, l’optimisation des choix budgétaires tout en en mettant beaucoup d’emphase sur les dépenses porteuses de croissance et d’emplois. Ensuite, la diversification accrue des sources de financement et enfin l’approfondissement de la modernisation des finances publiques dont le document de stratégie et le plan d’actions triennal seront publiés sous peu.
Maintenant quand on compare les prévisions des principaux indicateurs, pour la plupart macroéconomiques, qu’est ce qu’on remarque ? D’abord la version déposée l’année dernière prévoyait une croissance économique de 4,5% tandis que la version révisée de la ministre de l’économie et des finances, Madame Jean Marie qui est remontée a bord, est plus pessimiste en prévoyant une croissance plus faible autour de 3,6%. Une croissance plus faible certes, mais plus réaliste. Un chiffre qui pourrait peut-être encore révisé à la baisse si la situation politique deviendrait plus complexe. Haïti a toujours eu depuis plusieurs décennies cette dynamique de croissance en dents de scie, ce qui ne fait qu’appauvrir sa population.
Au niveau de l’inflation il y a lieu de s’inquiéter encore malgré que les prix soient déjà insupportables pour la majorité de la population. En effet, le taux d’inflation de 5,6% en glissement annuel qui était prévu est révisé à la hausse et pourrait arriver jusqu’à un plafond de 6% selon le nouveau projet de loi de finance révisé. Cela veut dire clairement que ce nouveau budget s’attend à une hausse un peu plus poussée des prix dans l’économie haïtienne. Le taux de pression fiscale prévu dans les deux versions du budget est de 13%, alors que le taux actuel est autour de 11-12 %, donc les citoyens vont ressentir une plus forte pression en terme de taxation, et l’Etat espère ainsi par cette mesure élargir son assiette fiscale et ses recettes.
Du coté du marché des changes, la version 2014 du budget prévoit un taux de change relativement stable, alors que la réalité est que, notre gourde continue de se déprécier rapidement et surement pour donner raison à l’Ambassade Américaine qui avait anticipé une hausse du dollar en fixant son taux à 46 Gourdes pour un dollar. La version du budget de Madame Jean Marie aussi bien que la version qui a été rejetée souhaitent avoir des réserves de change représentant environ 3 à 4 mois d’importation. Il faut noter que les réserves nettes de change ont diminué pour passer de 1,2 milliards de dollars américains à 992,85 millions de dollars américains au 12 mars 2014, soit une baisse de 11,26%. Donc une baisse continue peut nous éloigner de cet objectif de maintenir les réserves de changes égales à 3 à 4 mois d’importation.
La nouvelle loi de finance également vise le non recours au financement monétaire. Cette hémorragie est tellement grande quand nous parlons de financement monétaire, nous ne voyons pas comment elle est peut être stoppée. Les chiffres parlent clairement. Le financement monétaire de la BRH au 26 mars 2014 était de 3,1 milliards de gourdes contre 335,7 millions en mars 2013. Soit 9 fois plus élevé en un an. Cet outil est utilisé pour financer le déficit budgétaire qui ne cesse d’accroitre et du même coup déséquilibre le marché des changes pour une Gourde de plus en plus faible.
Voyons l’aspect de l’enveloppe globale du budget. Ce budget est de 118,68 milliards de gourdes contre 126.4 milliards de gourdes pour le budget qui a été refusé au parlement l’année dernière, alors que le budget de l’exercice 2012-2013 qui a été reconduit était de 131 milliard pour l’exercice, donc le nouveau budget proposé accuse une baisse de près de 10% par rapport au budget en cours. Les recettes courantes représentent 50, 90 milliards de gourdes soit 42,8%, les bons du Trésor, 8,67 milliards de gourdes, Autre financement interne 4,56 milliards de gourdes alors que les dons et emprunts totalisent 54,54 milliards de gourdes, ce qui représente 45,95%.
En ce qui a trait aux dépenses, il faut dire que les dépenses courantes qui représentaient l’an dernier 31,5 % des dépenses totales atteignent dans cette version avril 2014 du budget 39,1 %. Cela s’explique en partie par l’ajustement de salaires notamment dans les cas des enseignants qui coutera 721 millions de gourdes. Les dépenses de fonctionnement progressent de 16 % alors que les transferts et subventions de connaissent une augmentation de 10 %. D’un autre côté, les intérêts sur la dette affichent une progression de 12 % principalement avec le début des remboursements dans le cadre du Programme PetroCaribe.
Parlant du pourcentage des crédits totaux alloués aux différents ministères, il faut dire que, le ministère des Travaux publics dispose de 20.8% du budget, Education 12.8%, Economie et Finance 9,3%, Justice et sécurité publique 8.2%, Planification 7.4%, Agriculture 5.7%, santé 5.5% et autres 30.4%.
Ce projet de budget peut bien avoir de bonnes intentions et de bons objectifs, mais il doit être bien évidemment voté par le parlement, ce qui n’est pas une démarche garantie par rapport a cette nouvelle sortie du sénat de la République qui questionne la légitimité de ce nouveau gouvernement. Et le gros défi dans tout cela c’est le respect du budget en tant que loi dans toutes ses rubriques, ses prévisions et ses termes par ceux qui exécutent et ceux qui ordonnent, pour éviter des dépenses folles, des actions accidentelles et l’exécution de programmes non-prévus et non productifs qui peuvent avoir des objectifs politiciens et électoralistes.
Bref ! Les perspectives économiques ne sont pas si prometteuses pour 2014.
Chiffre pour aujourd’hui : 2,6 milliards
L’enveloppe budgétaire d’Haïti est de 2,6 milliards de dollars américains contre 13,3 milliards de dollars américains pour le budget 2013 de la République Dominicaine, soit plus de 5 fois plus élevé que notre enveloppe. Donc, théoriquement on pourrait dire que le budget haïtien prévoit 260 dollars américains pour chaque citoyen haïtien sur toute l’année, alors que pour la même population de 10 millions chez notre voisin, chaque citoyen aurait 1330 dollars américains de part de budget.
Etzer EMILE, M.B.A
Radio Vision 2000