« Soula », un des plus jeunes capitaines de remorqueur français, parle du « charisme » de son métier
Partager cet article
En mettant les pieds à l’Ecole d’Apprentissage Maritime (EAM) de Petite Terre en 2015, Soulaïmana Moustakima Silahi, dit « Soula », ne se doutait pas que quelques mois après, il aurait des rêves de mer plein la tête. Ce natif de Chiconi a suivi sa scolarité dans son village, école et collège, avant de réussir le concours d’entrée à l’EAM. Un C.A.P. Matelot en poche, il débarque à La Rochelle, au lycée d’enseignement maritime et aquacole en 2017, où il décroche un Bac Pro Conduite et gestion des entreprises maritimes option commerce. Ce qui lui permet d’obtenir le Capitaine 500, avec au bout, le brevet, après 18 mois de navigation pour Boluda France, à bord de la barge Biwi et des remorqueurs Bambo et VB Mahavel (Vicente Boluda Mahavel). Une passion est née.
« Je suis entré à l’EAM pour découvrir les métiers maritimes, et je suis complètement tombé amoureux de la mer ! Et surtout de tout ce qui touche au transport des marchandises ». Nous avons embarqué à bord du Mahavel pour l’interviewer. « Le 1er jour où j’ai été lâché comme capitaine du remorqueur, j’étais stressé, mais au fond de moi, je savais que j’étais capable. J’ai trouvé peu à peu mes repères, à l’aide de l’expérience des anciens de Boluda, et notamment des matelots que je sollicite régulièrement. C’est un travail d’équipe. » C’est le 1er capitaine de remorqueur mahorais, et sans doute le plus jeune de France.
« Ça m’arrive d’y repenser pendant 2 à 3 jours »
Le remorqueur de plus de 3.000 cv se présente à chaque arrivée et départ de navire du port de Longoni, pour assister les pilotes maritimes, soit à déhaler, soit à accoster, ou toute autre manœuvre, surtout lorsque ça souffle. « Ce qui me plait le plus, c’est la manœuvre. Quand elle est bien faite, ça m’arrive d’y repenser pendant 2 à 3 jours après. Elles sont toutes différentes, mais ma priorité, c’est la sécurité de l’équipage, la sauvegarde des vies humaines. » Un travail en collaboration étroite avec les pilotes, « ça se passe bien, il peut y avoir des petits moments d’incompréhension, y compris avec les membres d’équipage, c’est un métier où il y a beaucoup de pression, mais où on rigole bien aussi. On est une famille, et comme dans toutes les familles, on alterne avec des hauts et des bas, mais nous sommes soudés ».
A 24 ans, il fait figure de benjamin parmi les capitaines de remorqueur, y compris au sein de Boluda France. « Ça veut dire que face aux anciens, il faut que je sache m’imposer à bord, mais ça se fait naturellement ».
La passion se lit dans le regard, et impose une réflexion sur le nombre restreint de mahorais qui intègre la marine marchande. « La plupart du temps, cette passion de la mer se transmet entre proches. Mais parmi les jeunes, beaucoup ne savent même pas que l’EAM existe. » Il a été contacté une fois pour parler de sa passion de la mer… par lycée agricole de Coconi, « car ils veulent intégrer une filière d’économie maritime, il y avait deux ou trois jeunes intéressés par mon discours. » Il se dit prêt à écumer les établissements scolaires pour diffuser sa passion, lui le fils d’agriculteur. « Moi aussi j’ai eu des périodes de doute, mais je sais que je suis fait pour ça. »
Le plus compliqué, ce fut la période d’études en métropole, « je faisais 130 kg en partant, j’en faisait 92 kg à mon retour ! Je peux dire que c’était un véritable sacrifice, et encore, j’ai eu la chance d’être la dernière génération à bénéficier de la bourse complémentaire de la DASU* du conseil départemental pour poursuivre des études maritimes en métropole, ça n’existe plus ».
« Pourquoi pas Capitaine de 1ère classe ?! »
Si cela ne fait qu’un an et un mois qu’il est capitaine en pied du Mahavel, un remorqueur doté de Schottel, des hélices qui tournent à 360°, il a pu expérimenter la haute mer, et ce fut formateur. « Nous sommes partis à l’île Maurice pour les arrêts techniques des remorqueurs, soit 4 jours de mer à chaque fois. J’étais lieutenant de quart, j’ai pu mettre en pratique, car on utilise tous les instruments qui nous ont été enseignés. Nous avons eu des bonnes conditions, seulement de la houle prononcée au Cap d’Ambre, au Nord de Madagascar. Heureusement, je n’ai jamais eu le mal de mer ! » Soula est également en formation sur le Bambo, un remorqueur classique, par son capitaine Rolando Chan Lahitsara, « il est plus compliqué que le Mahavel ».
Pour l’instant, il dit ne pas s’être fait de grosses frayeurs, à part une fois, quand il était en formation sur la barge Biwi qui assure le transport des poids lourds entre Petite et Grande Terre. « Nous avions quasiment terminé nos rotations, je venais d’appareiller du quai Issoufali pour aller au quai Colas, il était deux heures du matin. Là, je vois un écho radar près de la bouée danger isolé à proximité du quai Colas. Rien aux jumelles pourtant, on se rapproche, l’écho est toujours là. A 100m, on aperçoit une pirogue, sans lumière, nous sommes parvenus à casser l’erre de la barge en urgence, en rasant la pirogue. Son occupant tombé à l’eau, nous avons pu le récupérer immédiatement, mais on a frôlé la catastrophe ! » Des situations qu’il qualifie « d’extrêmes », mais qui participent à ce qui appelle « le charisme du métier ».
A peine un peu plus d’un an après avoir pris la barre du Mahavel, Soula voit déjà plus loin : « Dans un futur proche, je vise le Capitaine 3000, et pourquoi pas ensuite, le Capitaine de 1ère classe, le plus haut brevet de la marine marchande.
Il n’y a plus qu’à souhaiter bon vent et bonne mer à Soulaïmana Moustakima Silahi, et qu’il donne des envies d’embruns à de nombreux petits mousses qui deviendront grands.
Anne Perzo-Lafond
*Direction des politiques scolaires et universitaires (DPSU)
The post « Soula », un des plus jeunes capitaines de remorqueur français, parle du « charisme » de son métier first appeared on JDM.
Partager cet article
Laisser un commentaire