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Violences à Koungou : faute d’accompagnement, le découragement guette

Une dizaine de jours après la rentrée scolaire, les caillassages ont repris dans la commune de Koungou, mais cette fois, dans le village même. Ces jeudi et vendredi soirs ont été particulièrement durs pour les automobilistes agressés aux alentours de 18h, ainsi que pour les élèves des bus scolaires, caillassés dès 5h du matin, nécessitant l’intervention quotidienne de la gendarmerie. Excédés, des habitants ont appelés à une réunion pour que des solutions soient trouvées, en présence de l’élu chargé de la sécurité de la commune, Soulaimana Abdallah, de la gendarmerie et de la police municipale.

Malheureusement, si globalement, il était convenu que les torts étaient partagés, avec comme d’habitude un focus sur la parentalité défaillante, aucune solution immédiate n’a été proposée, les habitants se disaient dépités à la clôture de la réunion. Pourtant, ils ont été eux-mêmes force de propositions. Le sentiment était partagé qu’il manque un guide, un élément coordonnateur entre les acteurs.

On peut dire que la mairie a de la chance d’avoir des habitants de cette trempe : quotidiennement, des membres d’associations de sécurité se relaient de 5h du matin à 18h, « on est sur la route, mais on se sent abandonnés, nous demandons la présence de la police municipale pour nous accompagner. L’objectif, c’est que les jeunes prennent le bus sereinement. Nous l’avons demandé à la mairie, sans réponse. »

Et pour cause, Olivier Billy, directeur de la police municipale de Koungou, évoquait les failles : « Sur 34 agents, il en manque 20, notamment 7 qui sont inaptes. Je fonctionne donc avec 14 agents à répartir sur les 6 villages de la commune. Comment faire pour couvrir actuellement le terrain ? ». S’il promet un avenir meilleur, « 20 agents viennent d’être recrutés, puis 20 supplémentaires, ensuite », les habitants demandent une solution immédiate, « on comprend qu’il n’y a pas assez de policiers, mais on fait comment maintenant ? ».

L’exemple porteur de Malezi na maecha à Longoni

Une trentaine d’habitants s’était donnée rendez-vous au foyer des jeunes dimanche en fin d’après-midi

Le chef de la police municipale sous entendait qu’armés, ses agents seraient plus efficaces, « cela demande des compétences, avec une solide formation ».

Plusieurs habitants désapprouvaient, et on voit que le discours a évolué. « Pourquoi armer la police municipale, alors que nous, membres de l’association de sécurité de Longoni, nous ne le sommes pas, et notre action fonctionne dans ce village ». Nous avions rapporté la méthode de cette association, Malezi na Maecha, axée sur la proximité avec les jeunes. Les adultes investissent toute la journée les points chauds de Longoni repérant les jeunes en errance, et attrapent ceux qui commettent des violences pour les dénoncer à la gendarmerie. Mais parce que la seule interpellation ne suffit pas puisque la plupart des mineurs sont ensuite relâchés conformément à la loi quand il s’agit de leur première infraction, les parents sont convoqués, et invités à devoir payer les dégâts si leurs enfants recommençaient. Un effet plus que positif, nous avait confié le directeur de Transdev, la société de ramassage scolaire. « La police municipale de Longoni connaît très bien les jeunes qui commettent des violences, le constat, c’est que la proximité et la sensibilisation des parents, ça fonctionne », soulignait Saindou Assitadhina, président de Malezi na Maecha.

Pour poursuivre sur ce qui dysfonctionne dans la commune, le « Rappel à l’ordre » n’était pas mis en place, mesure qui permet au jeune primodélinquant de passer devant le procureur, « ça y est, nous avons finalisé avec le parquet, nous allons pouvoir le mettre en place », confiait Olivier Billy.

Un habitant de Koungou, de retour d’un séjour en métropole, disait trouver sa commune changée : « Avant, les jeunes se défoulaient dans des activités sportives, et après un entrainement, je peux vous dire que vous n’avez envie que d’une chose, prendre votre douche et dormir ! Or là, je ne vois personne sur le plateau sportif ou sur les stades. Il faut se doter de davantage d’éducateurs sportifs, et leur permettre de travailler. »

Un appel à la destruction des drones et caméras de surveillance

Vidéoprotection, caméra, Mayotte, Gérald Darmanin, FIPDR
Sur les réseaux sociaux, des appels à détruire des caméras nouvellement installées

Un autre habitant déplorait que « les concernés ne soient pas là » : « C’est une réunion de victimes. On sait que les jeunes semeurs de violences descendent du quartier Jamaïque, faisons la prochaine réunion là-bas. » Son voisin déplorait que les fauteurs de troubles étaient parfois les élèves même, « parce qu’ils n’ont pas envie d’aller à l’école ! ». D’où l’importance de mettre en place le conseil des droits et devoirs des familles, comme à Chirongui.

« On ne peut pas rester comme ça » déploraient les membres des associations de sécurité de quartier, « nous nous organisons pour être là dès 5h du matin, moi personnellement, j’ajuste en fonction de mes horaires de travail, mais on a besoin d’être accompagnés ».

Djamil Abdallah, éducateur « historique » du village, critiquait lui aussi la décision d’armer la police municipale, « ils auront une dérogation pour tirer, alors que le travail de proximité n’est pas encore fait, il faut faire de la médiation, proposer des activités et un boulot à ces jeunes. Ils peuvent venir me voir quand ils veulent pour que je cherche des débouchés, mais commençons par faire ce travail. Les caméras, ça ne marche que si les jeunes ne se cachent pas dans les angles morts. Il faut plutôt investir dans les associations de sécurité de proximité et les valoriser, car là, ils se découragent, or, leur présence est dissuasive. Je demande que lorsque la police municipale quitte une zone, la gendarmerie prenne le relais. »

Mais les gendarmes eux-aussi, ont leurs contraintes, « on ne peut pas mettre un gendarme tous les 100 mètres », rappelait l’adjudant Lecoq, présent à la rencontre. « Constatant que les jeunes descendaient de Jamaïque, nous les avons bloqués ce vendredi soir, et interpellé l’un d’entre eux porteur d’un couteau, il est parti en garde à vue, mais il est mineur. » Sous-entendu, possiblement relâché dans la foulée. Et pourtant, « deux gendarmes ont été blessés lors de l’intervention, dont une fracture du péroné ». Un appel circulant sur les réseaux sociaux incitait à la destruction des drones de repérage de la gendarmerie et des caméras de surveillance fraîchement posées par la mairie, « nous avons interpellé son auteur, placé en garde à vue et présenté à la juge des enfants. »

A la demande des forces de l’ordre, les habitants ont communiqué des listes de jeunes suspects, « mais tant qu’ils n’ont rien fait, la justice ne peut agir ».

Valoriser les associations qui relaient le tout-sécuritaire

La police municipale et la gendarmerie livraient contraintes et perspectives, au côté de l’adjoint au maire chargé de la sécurité

Des patrouilles de gendarmerie sont opérationnelles jusqu’à 20h, « ensuite c’est le PSIG qui prend le relais », et à la suite des violences sur la route nationale commis par les jeunes de Jamaïque, un dispositif de sécurité a été mis en place, « il sera reconduit les deux soirs suivants », indiquait le gendarme.

Mais on peut se demander jusqu’à quand ? Les « bleus dans la rue », pour reprendre l’expression d’un procureur, sont indispensables pour protéger la population d’évènements ponctuels menaçant sa sécurité, mais il faut mener en parallèle des actions de proximité, comme y a incité Djamil Abdallah, et comme l’a mis en place le capitaine Chamassi à Chirongui avec l’appui du maire Bihaki Daouda, avec de nombreuses mesures non couteuses et qui peuvent rapporter beaucoup en tranquillité.

La mairie est donc très attendue. Nous avons interpellé Abdou Mrendada directeur de cabinet du maire Assani Saindou Bamcolo, sur le déficit d’accompagnement, notamment des associations de sécurité de proximité. « Tout d’abord, nous allons multiplier les clauses d’insertion dans les marchés publics, après les avoir initiées avec la société Colas. Ensuite, la mairie doit bien sûr accompagner ces associations de surveillance des quartiers en aides alimentaires, comme elles le demandent, et en équipements. Mais nous allons aussi inciter le secteur privé à les accompagner, car les entreprises elles-aussi sont touchées quand les agressions sont commises sur les routes, et aider ces associations à monter des dossiers pour obtenir des subventions de l’Etat, comme le Fonds Interministériel de Prévention de la Délinquance. Elles peuvent y prétendre. Enfin, je suis d’accord sur l’insuffisance d’animation de la vie communale, c’est pourquoi les services doivent nous fournir un calendrier évènementiel pour les mois à venir. »

Se doter d’éducateurs pour encadrer ces jeunes au quotidien sans entrer dans de grands évènements, ou regarder ce qui fonctionne ailleurs et le mettre en place, sont aussi des solutions peu énergivores.

Alors, à quand la prochaine réunion dans le quartier Jamaïque à proximité des jeunes et leurs familles ?… En tout cas, elle sera l’heure d’un premier bilan, nous explique Soulaimana Abdallah, « notamment des rappels à l’ordre et du retrait effectif de la nationalité des parents, comme annoncé par le préfet ».

Anne Perzo-Lafond

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